Lectures franco-allemandes sur 14-18 / 12. « Putain de Guerre » de Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney

© Pierre Buraglio "Rosa et Karl" 2011 - sérigraphie montée sur châssis et rehaussée - 46 x 38 cm - Courtesy l'artiste / Galerie Catherine Putman (Paris)

© Pierre Buraglio « Rosa et Karl » 2011 – sérigraphie montée sur châssis et rehaussée – 46 x 38 cm – Courtesy l’artiste / Galerie Catherine Putman (Paris)

Après la contribution de Peter Brunner sur l’autobiographie de Carl Zuckmayer de Hesse rhénane, l’ évocation par Daniel Muringer des Cahiers d’un survivant de l’alsacien Dominique (Dominik) Richert, puis Erich Maria Remarque avec Im Westen nichts Neues par Catharina Lovreglio; et Le temps retrouvé de Marcel Proust par Bernard Bloch, puis Fiesta (Le soleil se lève aussi) d’Hemingway par Jamal Tuschick, suivi de Erziehung vor Verdun d’Arnold Zweig lu en allemand mais décrit en français par Pierre Foucher (l’édition française est épuisée). Il y a ensuite la lecture par Kristin Schulz des Orages d’acier d’Ernst Jünger, le commentaire de Paul Valéry par Bernard Stiegler, Jahrgang 1902 (Classe 1902) d’Ernst Glaeser par Thomas Lange, La sentinelle tranquille sous la lune de Soazig Aaron par Diane Buchman. Hier : Die Legende vom toten Soldaten (La légende du soldat mort) de Bertolt Brecht. Aujourd’hui : Putain de Guerre de Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney par David Bres. Demain : Une terre d’ombre de Ron Rash.

 

David Bres :
Putain de Guerre
par Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney

Tardi.Nul besoin de présenter Jacques Tardi ; cet auteur de BD dont les talents de dessinateurs et de conteurs sont reconnus de par le monde, créateur de la fameuse Adèle Blanc-Sec, adaptateur du Nestor Burma de Léo Malet. Tardi est surtout connu pour ses nombreux ouvrages sur les deux guerres mondiales. Mais il est aussi un homme d’histoire, un pacifiste dans l’âme, un illustrateur fantastique, un narrateur magistral…
Après avoir abandonné pendant quelques années ces récits de guerre, Jacques Tardi avec son complice l’historien Jean-Pierre Verney, décide de raconter à nouveau la 1ère Grande Guerre en 2008.
Ce nouveau récit raconte année après année, la vie qu’ont connu les soldats du front, grâce au monologue d’un simple tourneur fraiseur devenu chair à canon pour la Der des Ders. Malgré l’approche fictionnelle et la narration en forme de monologue de ce héros sans ambition, sans grand courage ni lâcheté, le souci de véracité et la rigueur historique demeurent et restent pour Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney une clé de voute du récit.
Avant d’être publié sous la forme de 2 albums de Bande-Dessinée dits classiques, puis en intégrale, les éditions Casterman publièrent ce nouveau projet sous la forme de 6 journaux de grande taille rappelant les journaux d’époque distribués à même la rue. Chaque numéro se concentrant sur les actions menées année après année de 1914 à 1919. En plus de la prépublication du récit dessiné magistralement par Jacques Tardi, un quart des 20 pages du journal est consacré à un corpus de documents et d’actualités non-militaires de la période afin que tout un chacun puisse remettre en perspective les éléments historiques et le décalage existant entre les faits et les propos tenus par les médias de l’époque.
Jacques Tardi retranscrit avec sobriété, répétant invariablement son découpage en 3 cases horizontales par page, le quotidien des poilus, la violence des assauts et l’horreur de la boucherie quotidienne. Cet effet narratif Jacques Tardi l’avait déjà utilisé pour « C’était la Guerre des Tranchées » et l’utilisera encore pour son récit familial « Moi René Tardi, prisonnier au Stalag IIB ». La force du récit repose évidemment sur le talentueux expressionnisme dont il fait preuve, sur sa capacité à rendre en image les amas de corps, les fatras du combat, les petits et grands tracas, les colères enfouis. Sa mise en encrage tout en rondeur, jouant sur le clair-obscur, sort tout droit d’un rotring 0.5mm permettant un rendu d’une fluidité sans pareil. Un coup de crayon reconnaissable entre mille.
Sa mise en couleur prend également une place importante dans cette oeuvre, devenant elle même un outil nécessaire à la narration. D’abord flamboyante, lors des première années de combat elle s’efface peu à peu, à l’image de l’enthousiasme des combattants, en un simple camaïeu de bruns et gris rappelant la boue et la mitraille, la tristesse et la lassitude des soldats.
Tardi et Verney nous ont livré avec « Putain de Guerre » une œuvre clinique et impressionnante mais aussi un album instructif nous rappelant avec force et à propos que l’horreur était quotidienne tant pour les soldats que les civils et qu’il est important pour les peuples du monde de ne jamais oublier ce que nos ancêtres ont vécu pour nos libertés et nos droits actuels.
Une œuvre à ne jamais oublier.

David Bres

« Putain de Guerre » par Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney aux éditions Casterman
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