Panique à droite, la gauche aurait raison

Quand on lit dans le quotidien de la finance de Frankfort, Frankfurter Allgemeine Zeitung sous la plume d’un des patrons du journal,
en titre,
Je commence à croire que la gauche a raison
en surtitre,
valeurs bourgeoises [= de la droite]
en chapô,
dans le camp de la droite, on s’inquiète de plus en plus de savoir si l’on a eu raison toute sa vie. Alors qu’il se démontre en temps réel que les présuppositions des plus grands adversaires [de la bourgeoisie] paraissent exactes
on se frotte les yeux d’abord, on se dit ensuite que la bourse a encore dû chuter ou que des émeutes ont éclaté.
Que signifie cet Embrassons-nous camarades [qui-aviez-tellement-raison] ? pour reprendre le titre du commentaire de Michael Angele dans l’hebdomadaire Der Freitag.
Cela mérite que l’on aille y voir de plus prêt. D’autant que des sondages bidons nous annoncent que les Français aimeraient bien un gouvernement à la Angela Merkel. Sans doute avec tout ce qui va avec comme la retraite à 65 bientôt 67 ans ?

Frank Schirrmacher – co-éditeur de la Frankfurter Allgemeine Zeitung – est connu pour ses talents à flairer l’air du temps. Dans l’édition du week-end dernier, il construit toute une dramaturgie de la crise des valeurs chrétiennes-démocrates

Un siècle d’économie financière de marché sans frein se révèle être le plus grand succès du plus grand programme de resocialisation de la gauche. Aussi usée qu’elle soit, la critique sociale de gauche est non seulement de retour mais est devenue nécessaire. La crise de la politique de droite qui a kidnappé le terme bourgeois comme l’avait fait le communisme avec celui de prolétaire devient une crise de conscience du conservatisme politique.
La politique réaliste et pragmatique masque le vide béant et l’excuse que les autres aussi ont fait des erreurs n’est que le refus de regarder les choses en face.
La question n’est plus de savoir si l’action politique est bonne ou mauvaise. La question est que les conséquences pratiques de cette politique sont comme une expérimentation en temps réel qui ne démontre pas seulement que l’actuelle politique de la droite est fausse mais que les hypothèses de leur plus grand adversaire sont vraies.

Le trait est grossi, dramatisé mais il n’est pas isolé comme on peut le constater ailleurs :

Nouriel Roubini à la une du Wall Street Journal : Marx avait raison.
Via Paul Jorion. Voir aussi ici.

L’une des sources d’inspiration de notre éditorialiste est son très conservateur collègue britannique du Daily Telegraph, Charles Moore, biographe de Margaret Thatcher qui est amplement cité et dont une phrase sert de titre à l’article :

La force de la gauche [il précise à un autre moment qu’il ne parle par du Parti travailliste mais des idées de gauche], tient en ce qu’elle a compris comment les puissants se sont servis du discours libéral conservateur comme d’un paravent pour s’assurer des avantages. Globalisation, par exemple, devait à l’origine ne désigner que le commerce libre à l’échelle du monde. Cela signifie maintenant que les banques tirent à elles les profits de leurs succès internationaux et distribuent leurs pertes aux contribuables de chaque nation. Les banques ne rentrent “à la maison” que quand elles n’ont plus d’argent. Et nos gouvernements les renflouent.

Le système politique ne sert que les riches, cette affirmation qui devait être fausse est devenue vraie, reprend F. Schirrmacher. Sa seconde source d’inspiration  se trouve dans la prise de parole retentissante du “catholique libéral” Erwin Teufel, qui écrivit « le premier acte » du “drame de la désillusion” qui secoue la démocratie chrétienne européenne. Erwin Teufel, président démissionnaire du Land de Bade Württemberg [c’était en 2005, avant l’élection d’un Vert] a dans un discours intitulé je ne me tairais pas plus longtemps, s’est inquiété du déclin de la démocratie chrétienne allemande qui perd sa substance tant chrétienne que sociale.
Dans les faits, la pauvreté et plus particulièrement chez les retraités augmente en Allemagne.
Comment défendre le libéralisme contre le désastre de ses pratiques ?
On peut se gausser du constat qu’une partie de la bourgeoisie allemande cherche refuge dans les valeurs écologiques. Plus intéressant est d’observer que le système de valeur de la démocratie chrétienne aussi idéologique qu’il puisse nous paraître est ébranlé et ne tient pas le choc de la crise. Nous l’avions annoncé en 2009 dans Les inquiétudes de Monseigneur Marx
Depuis, la crise morale s’amplifie. Sur cette question comme sur bien d’autres, la chancelière fait l’autruche. C’est ce que l’on commence de plus en plus fortement à lui reprocher dans son propre camp.
L’article de Frank Schirrmacher tire la sonnette d’alarme sur la nécessité d’un changement de paradigme. On sait d’ores et déjà qu’elle (la sonnette) a été entendue. Il en faudra sûrement encore d’autres et surtout de plus approfondie car on cherche en vain du concret dans la description des mécanismes de la crise dont l’analyse est très en deçà des nécessités du moment. Ce qui ne fait de ce texte qu’un symptôme. Il est temps de passer au diagnostic.

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