Les révoltes paysannes se mènent au rythme des saisons. Elles sont influencées aussi par le calendrier liturgique qui favorise les rencontres et facilitent l’organisation. Commencées en été 1524, elles culminent dans la période du carnaval (Fastnacht), c’est à dire les jours gras d’avant le carême, en 1525. Les trois bandes insurgées réunissant quelque 20 000 personnes sillonnent la région de la Haute Souabe et se rassemblent en une Assemblée chrétienne. Elles envoient début mars 1525, des délégués dans la ville de Memmingen pour y adopter un programme commun : une « première tentative vague d’un projet de constitution » (Bundesordnung), le 7 mars, puis les désormais fameux XII articles qui sont
« à la fois articles de doléances, programme de réformes et manifeste politique ».
( Peter Blickle :,Die Revolution von 1525, 4ème éd., Oldenbourg Verlag, München, 2004,)
Les premiers exemplaires imprimés apparaissent sur le marché d’Ulm, le 19 mars puis le 24 à Nuremberg. Plus d’une vingtaine d’éditeurs en différents lieux ont repris et diffusé ce texte dont on estime qu’il a atteint quelque 25 000 exemplaires ce qui est considérable pour l’époque. Il en existait même une version anglaise.
Je vous les présente article par article en langue originale puis en traduction avec le cas échéant un petit commentaire.
Titre
Dye grundtlichen vnd rechten haupt artickel, aller baurschafft vnnd hyndersessen der gaistlichen vnd weltlichen oberkayten, von wo(e)lchen sy sich beschwert vermainen.
Les articles fondamentaux, justes et essentiels de tous les paysans et sujets [Hintersassen] des autorités ecclésiastiques et laïques desquelles ils estiment être opprimés.
On observe dès le titre que les XII articles ne concernent pas seulement les paysans mais également tous les Hintersassen. Hintersassen signifie littéralement ceux qui sont derrières, c’est à dire dépendants d’un propriétaire terrien qui peut-être séculier ou religieux. Dans les villes, les Hintersassen sont ceux qui sont privés du droit de bourgeoisie et de la participation aux corporations. On note aussi une absence de localisation et, partant, une volonté universalisante du manifeste.
(Première édition des Douze articles. Adresse au lecteur. Source : Archives de la Ville de Memmingen. On notera dans la marge les citations bibliques de référence)
Dem christlichen leeser fryd vnnd gnad gottes durch Christum.
Es seyn vil wider christen, die yetzund von wegen der versammleten baurschafft das euangelion zu(o) schmehen vrsach nehmen, sagent, das seyn die frücht des newen euangelions? Nyemant gehorsam seyn, an allen ortten sich empor heben vnd auff po(e)men, mit grossem gewalt zu(o)hauff lauffen vnd sich rotten, gaistlich vnnd weltliche oberkaiten zu(o)reformieren, außzu(o)reytten, ja villeücht gar zu(o) erschlagen? Allen disen gotlosen freuenlichen vrtailern antwurten diese nachgeschribne artickel, Am ersten das sye dise schmach des wort gotes auffheben, zu(o)m andern die vngehorsamikait, ja die empo(e)rung aller bauren christenlich endtschuldigen. Zu(o)m ersten, ist das euangelion nit ain vrsach der empo(e)rungen oder auffru(o)ren, dye weyl es ain rede ist, von Christo, dem verhaissne Messia, welchs wort vnd leben nichts dann liebe, fride, geduldt vnd ainigkaiten lernet. Also das alle die in disen Christum glauben, lieplich, fridlich, gedultig vnd ainig werden. So dann der grund aller artickel der bawren (wie dann klar gesehen wirt), das euangelion zu(o)ho(e)ren vnd dem gemeß zu(o) leben, dahin gericht ist. Wie mügen dann die widerchristen das ewangelion ain ursach der embo(e)rung vnd des vngehorsams nennen? Das aber ettlich widerchristen vnd feynd deß euangelij wider so(e)lliche anmu(o)ttung vnd begerung sich lonen vnd auffbo(e)men, ist das euangelion nit vr-sach, sonder der teüfel, der schedlichst feynd deß ewangelij, der solches durch den vnglauben in den seynen erweckt. Hye mitte das, das wort gotes (liebe, fryd, vnd ainigkait lernent) vndergetruckt vnd wegkgenommen wurde. || Zu(o)m andern dann klar lauter volget, das dye bawren in jren artickeln solches euangelion zu(o)r leer vnd leben begerendt, nit mügen vngehorsam, auffru(e)risch genennt werden. Ob aber got die pauren (nach seynem wort zu(o) leben a(e)ngstlich ru(o)ffent) erho(e)ren will, wer will den willen gotes tadlen? Wer will in sein gericht greyffen? Ja wer will seiner mayestet wyderstreben? Hat er die kinder Israhel, zu(o) jm schreyendt, erho(e)ret vnd auß der hand pharaonis erlediget? Mag er nit noch heut die seynen erretten? Ja, er wirts erretten! Vnd in ainer kürtz! Derhalben christlicher leser, solliche nachvolgendt artickel lyse mit fleyß, vnd nach mals vrtail. ||
« Au lecteur chrétien, paix et grâce de Dieu par Christ.
Il se trouve que beaucoup d’antichrists prennent actuellement prétexte du rassemblement de la paysannerie pour mépriser l’Évangile, disant que voilà les fruits du nouvel Évangile : n’obéir à personne, se soulever et se révolter en tout lieu, s’assembler avec grand déploiement de force et s’attrouper ; contester, attaquer, voire abattre les autorités ecclésiastiques et laïques. A tous ces juges impies et arrogants répondent les articles ci-dessous. Premièrement pour mettre un terme à ce mépris de la Parole de Dieu. En second lieu pour disculper chrétiennement tous les paysans de leur désobéissance, voire de leur révolte.
Premièrement, l’Évangile n’est pas une cause de révolte ou de sédition. Car il est discours à propos du Christ, du Messie annoncé, dont la parole et la vie n’enseignent qu’amour, paix, patience et union. Ainsi tous ceux qui croient en ce Christ deviennent aimants, pacifiques, patients et unis. Or le principe de tous les articles des paysans (comme cela sera manifeste), écouter l’Évangile et vivre en conformité avec lui, ne tend qu’à cela. Comment donc les antichrists peuvent-ils alors présenter l’Évangile comme une cause de révolte et de désobéissance ? Mais que certains antichrists et ennemis de l’Évangile rejettent les attentes et les aspirations [des paysans] et se révoltent contre elles, [cela] n’est pas imputable à l’Évangile.
Mais c’est le diable, l’ennemi le plus nuisible de l’Évangile qui provoque cela en suscitant l’incrédulité parmi les siens, de sorte [qu’il advient] ceci, c’est que la Parole de Dieu (qui enseigne amour, paix et union) se trouve être opprimée et balayée.
En second lieu, il s’en suit de manière évidente que les paysans qui dans leurs articles aspirent à entendre cet Évangile pour leur instruction et pour en vivre, ne sauraient être traités de désobéissants et de séditieux. Et si Dieu veut exaucer les paysans (qui l’implorent dans la crainte pour vivre selon sa Parole), qui veut blâmer la volonté de Dieu, qui veut contester son jugement ? Mieux, qui veut s’opposer à sa majesté ? Lui qui a exaucé les enfants d’Israël (qui l’ont supplié), les a délivrés de la main de Pharaon, ne peut-il pas aujourd’hui encore sauver les siens ? Certes, il les sauvera. Et sous peu ! C’est pourquoi, lecteur chrétien, lis avec application les articles et puis tu jugeras. »
Le préambule donne au texte la dimension d’un plaidoyer au sens juridique. Sa portée se veut générale. Il y a des choses qu’on ne peut accepter si l’on se prétend chrétien. Les conditions de vie sur terre ne sont pas un domaine qui se situe en dehors des questions religieuses comme le prétendra Martin Luther. Le matériel et le spirituel ne sont pas des domaines déconnectés l’un de l’autre. On notera aussi l’audacieuse comparaison avec la libération des hébreux de l’esclavage. Ce long préambule articule pour la première fois la Réforme protestante et la révolte des assujettis. Crise de la féodalité et crise de la foi – non pas en dieu mais dans ses représentants sur terre – se conjuguent. Leurs fondements sont secoués par la révolution de l’imprimerie. (voir ici )

Première édition des Douze articles. Article 1. Source :Archives de la ville de Memmingen)
Der erst artickel
Zum ersten ist vnser diemu(e)ttig bytt vnd beger, auch vnser aller will vnd maynung, das wir nun fürohin gewalt vnd macht wo(e)llen haben, ain gantze gemain sol ain pfarer selbs erwo(e)len vnd kyesen. Auch gewalt haben, den selbigen wider zu(o)entsetzen, wann er sich vngepürlich hieldt. Der selbig erwo(e)lt pfarrer soll vns das hailig euangeli lauter vnd klar predigen one allen menschlichen zu(o)satz, leer vnd gebot, dann vns den waren glauben stetz verkündigen, geyt vns ain vrsach got vnd sein gnad zu(o) bitten, vnns den selbygen waren glawben einbylden vnd in vns bestetten. Dann wann seyn genad in vnß nit eingepyldet wirdt, so bleyben wir stetz fleysch vnd blu(o)t, das dann nichts nutz ist, wie kla(e)rlich in der geschrifft stat, das wir allain durch den waren glauben zu(o) got kommen kinden, vnd allain durch seyn barmhertzigkait sa(e)lig mu(e)ssen werden. Darumb ist vns ain so(e)llicher vorgeer vnd pfarrer von no(e)tten, vnd in dieser gestalt in der geschrifft gegrindt.
Article premier
« Premièrement, notre humble prière et [notre] requête, notre volonté et notre intention aussi, [c’est] que dorénavant nous puissions être autorisés et habilités à choisir et à élire, en communauté, un pasteur. [Nous voulons] également être autorisés à le démettre s’il se comporte de manière inconvenante. Ce même pasteur [que nous avons] choisi doit nous prêcher le Saint Évangile, dans toute sa clarté et dans toute sa pureté, sans y ajouter quelque doctrine ou commandement humains. Ensuite, toujours nous annoncer la foi véritable, qui nous conduit à prier Dieu pour sa grâce, et former en nous la foi véritable et la conforter. Car, si sa grâce n’est pas formée en nous, nous restons toujours de sang et de chair, ce qui alors ne sert de rien, comme le déclare clairement l’Écriture. Seule la foi véritable peut nous amener à Dieu ; et seule la miséricorde [de Dieu] doit nous amener au salut. C’est pour cela qu’il nous faut un tel guide, [un tel] pasteur, et c’est ainsi qu’il est fondé dans l’Écriture. »
Avec une forte détermination, les insurgés disent vouloir que ain gantze gemain sol ain pfarer selbs erwo(e)len vnd kyesen, que chaque communauté tout entière doit pouvoir elle-même choisir et élire et le cas échéant démettre son pasteur. Ce dernier n’est pas un chargé de propagande et n’a pas à s’occuper d’autre chose que de religion. C’est « une remise à plat démocratique de l’Église, de son accaparement par les puissants et, implicitement de la papauté », commente Georges Bischoff (Dictionnaire de la Guerre des paysans en Alsace et au-delà. La nuée Bleue p. 54)
Der ander artickel
Zu(o)m andern, nach dem der recht zehat auff gesetzt ist im alten testament vnd im neuen als erfüldt, nichts destminder wo(e)llen wir den rechten korn zehat gern geben, doch wie sich gebürt. Dem nach man sol in got geben vnd den seynen mitaylen, gebürt es ainem pfarrer, so klar das wort gots verkindt. Seyen wir des willen hinfüro disen zehat vnser kirch bro(e)pst, so dan ain gemain setzt, || sollen einsemlen vnd eynnemen, daruon ainem pfarrer, so von ainer gantzen gemain erwo(e)lt wirt, seyn zymlich gnu(o)gsam auffenthalt geben, jm vnd den seynen, nach erkantnus ainer gantzen gmain. Vnnd was über bleybt sol man (armen dürfftigen, so im selben dorff verhanden seynd) mittailen, nach gestalt der sach vnd erkantnus ainer gemain. Was über bleybt, soll man behaltten, ob man raysen mu(e)ßt von lands not wegen. Darmit man kain landts steüer dürff auff den armen man legen, sol manß von disem überschuß außrichten. Auch ob sach were, daz ains oder mer do(e)rffer weren, die den zehenden selbs verkaufft hettent auß ettlicher not halben, die selbigen so darumb zu(o) zaigen, in der gestalt haben von aynem gantzen dorff, der sol es nit entgelten, sonder wir wellen vns zymmlicher weyß nach gestalt und sach mit im vergleychen, jm sollichs wider mit zymlicher zyl vnd zeyt ablassen. Aber wer von kainem dorff sollichs erkaufft hat vnd jre forfaren jnen selbs solchs zu(o)geaygent haben, wo(e)llen vnd solen vnd seynd jnen nichts weyters schuldig zu(o)geben, alain wie obstat vnsern erwo(e)lten pfarrer darmit zu(o) vnderhalten, nachmalen ablesen oder den dürfftigen mittailen, wie die hailig geschryfft innho(e)lt, sy seyen gaistlich oder welttlich. Den klaynen zehat wo(e)llen wir gar nit geben. Dann got der herr das vich frey dem menschen beschaffen, das wir für ain vnzymlichen zehat schetzen, den die menschen erdicht haben. Darumb wo(e)llen wir jn nit weytter geben.
L’article suivant
« Par ailleurs, alors même que la vraie dîme a été établie dans l’Ancien Testament et [qu’elle] est accomplie dans le Nouveau [Testament], nous ne sommes pas moins disposés à donner volontiers la juste dîme des céréales. Mais de la manière qui convient : à savoir, la donner à Dieu pour être remise aux siens. [Cette dîme est due] au pasteur qui proclame dans sa pureté la Parole de Dieu. Nous voulons qu’à l’avenir cette dîme soit collectée et perçue par le prévôt d’église désigné par la communauté. [De cette dîme], qu’on donne au pasteur élu par l’ensemble de la communauté ce que l’ensemble de la communauté estime nécessaire à son honnête entretien, et à l’entretien des siens. Quant au reste, il faudra le distribuer (aux pauvres indigents du village) selon les nécessités du moment, et après avis de la communauté. Il faut garder l’excédent pour subvenir aux besoins du pays en cas de guerre. Pour éviter d’imposer le manant, il faut [alors] prélever [le nécessaire] de cet excédent. Au cas où un ou plusieurs villages auraient vendu eux-mêmes la dîme par suite de quelque besoin, [il ne faut] pas sanctionner ceux qui sauront apporter les preuves d’avoir agi selon les nécessités du moment de tout un village [en achetant la dîme]; mais nous voulons nous arranger comme il se doit avec ceux qui auront agi ainsi, selon les nécessités du moment, en rachetant [la dîme] à prix et délai raisonnables. Quant à ceux qui d’aucun village n’ont acquis [la dîme], et desquels les aïeux se sont appropriés cette [dîme sans l’acheter], nous ne sommes pas leurs obligés, nous ne le voulons pas et nous ne le devons pas. [Nous emploierons la dîme], comme il est dit plus haut, à entretenir le pasteur élu, à racheter [la dîme] par après, à venir en aide aux nécessiteux, ecclésiastiques ou laïcs, comme l’Écriture Sainte l’exige.
Quant à la petite dîme, nous ne voulons pas la donner, en aucun cas. Car le Seigneur Dieu a créé le bétail libre pour l’homme, sans poser de conditions, [et non pour être prétexte à] nous charger d’une dîme inconvenante que les hommes ont inventée. C’est pour cela que nous ne voulons plus continuer à la donner »
Vraie dîme, dîme des céréales, petite dîme (Zehat). L’article 2 vise au contrôle de la collecte et de la répartition de la dîme en conformité avec la bible. Elle ne doit pas être détournée et doit servir exclusivement à la rétribution des pasteurs et aux pauvres du village ainsi qu’à la défense du territoire. « Prélèvement en nature, au profit de l’Église, la dîme correspond en principe à la dixième partie (decima pars) des produits de la terre et des profits (mouture, élevage, chasse, pêche), qui constituent la « dîme réelle ».(cf.). La « petite dîme » c’est à dire celle sur les fruits et légumes est totalement rejetée.
Der drit artickel
Zu(o)m dritten ist der brauch byßher gewesen, das man vns für jr aigen leüt gehalten haben, wo(e)lchs zu(o) erbarmen ist, angesehen, das vns Christus all mitt seynem kostparlichen plu(e)tvergu(e)ssen erlo(e)ßt vnnd erkaufft hat, Den || hyrtten gleych alls wol alls den ho(e)chsten, kain außgenommen. Darumb erfindt sich mit der geschryfft, das wir frey seyen vnd wo(e)llen sein. Nit das wir gar frey wo(e)llen seyn, kain oberkait haben wellen. Lernet vnß gott nit, wir sollen in gepotten leben, nit yn freyem fleyschlichen mu(o)twilen, sonder got lieben, jn als vnserrn herren jn vnsern nechsten erkennen, vnnd alles das, so wyr auch gern hetten, das vnns got am nachtmal gepotten hat zu(o) ainer letz. Darumb sollen wir nach seinem gepot leben. Zaigt vnd weißt vns diß gepot nit an, das wir der oberkkait nit korsam seyen? Nit allain der oberkait, sunder wir sollen vns gegen jederman diemu(e)tigen, das wir auch geren gegen vnser erwelten vnd gesetzten oberkayt (so vns von got gesetzt) jn allen zimlichen vnd christlichen sachen geren gehorsam sein. Seyen auch onzweyfel, jr werdendt vnß der aigenschafft als war vnnd recht christen geren endtlassen oder vns jm euangeli des berichten, das wirß seyen.
Article troisième
« Troisièmement. Jusqu’à présent il était d’usage de nous considérer comme des serfs, ce qui est lamentable, vu que le Christ, en répandant son précieux sang, nous a tous sauvés et rachetés : le berger tout comme le plus noble, sans exclure personne. C’est pour cela que l’Écriture nous apprend que nous sommes libres, et nous voulons l’être. Non pas que nous voulions être absolument libres, sans reconnaître aucune autorité. Dieu ne nous enseigne-t-il pas à vivre selon des commandements, et non pas selon les caprices débridés de la chair ? Mais aimer Dieu, le reconnaître comme notre Seigneur en nos prochains ? Et faire tout ce que nous aimerions [qu’ils nous fassent], comme Dieu nous l’a ordonné lors de la dernière Cène. ? C’est pour cela que nous devons vivre selon son commandement. Ce commandement nous montre-t-il ou nous apprend-il que nous ne sommes pas soumis à l’autorité ? Non seulement à l’autorité…Nous devons aussi nous humilier devant tout un chacun. Nous sommes volontiers obéissants à toute autorité élue et instituée (voulue par Dieu), [en tout ce qu’elle ordonne] de convenable et de chrétien. Et vous allez certainement nous affranchir en votre qualité de vrais et authentiques chrétiens. Ou alors vous nous montrerez dans l’Évangile que nous sommes [des serfs] ».
Der viert artickel
Zum vierten ist bißher jm brauch gewesen, daß kayn armer man nit gewalt gehabt hatt, das willpret, gefigel oder fisch jn fliessenden wasser nit zu(o) fachen zu(o) gelassen werden, welchs vns gantz vnzymlich vnd vnbru(e)derlich dunckt, sunder aigennützig vnd dem wort gotz nit gemeß sein. Auch in etlichen ortern die oberkait vns das gewild zu(o) trutz vnd mechtigem schaden haben, wil vns das vnser (so got dem menschen zu(o) nutz wachsen hat lassen) die vnuernüfftigen thyer zu(o) vnutz verfretzen mu(e)twiligklich (leyden mu(e)ssen) dar zu(o) stillschweigen, das wider gott vnd dem nechsten ist, Wann als gott der herr den menschen erschu(o)ff, hat er jm gewalt geben vber alle thier, vber den fogel im lufft vnd vber den fisch jm wasser. Darumb ist vnser begeren, wann ainer wasser hette, das ers mit gnu(o)gsamer schriff be- || weysen mag, das man das wasser vnwyssenlych also erkaufft hette, begeren wir jms nit mit gewalt zu(o) nemen. Sunder man mu(e)st ain christlich eynsechen darynnen haben von wegen bru(o)derlicher lieb, aber wer nit gnu(e)gsam anzaigen darumb kann thon, solß ainer gemayn zymlicher weyß mittailen.
L’article quatre
« Quatrièmement. Il a été d’usage jusqu’à présent qu’aucun manant n’ait le pouvoir ni l’autorisation de prendre du gibier, des oiseaux ou des poissons dans les eaux courantes, ce qui nous semble être tout à fait inconvenant et dépourvu de fraternité, très égoïste et contraire à la Parole de Dieu. De plus, en certains endroits, l’autorité nous oblige à endurer le défi et le grand dommage occasionnés par le gibier, des animaux privés de raison qui saccagent inutilement et par caprice notre bien (que Dieu a fait prospérer dans l’intérêt des hommes). Jusqu’à présent, il a fallu taire ce qui est contraire à Dieu et au prochain. Quand Dieu créa l’homme, Il lui a donné pouvoir sur tous les animaux, sur l’oiseau dans l’air, sur le poisson dans l’eau. C’est pourquoi voici notre requête : si quelqu’un détient une eau, [une rivière, un étang…] et qu’il puisse prouver par des titres suffisants que cette eau lui était vendue au su [des paysans], nous ne demandons pas à la reprendre de force. Mais à cause de l’amour fraternel, que l’on fasse preuve de sollicitude chrétienne. Mais celui qui ne peut pas apporter suffisamment de preuves doit restituer [le bien] à la communauté, comme il se doit. »
Manant est à comprendre au sens de dépendant de la juridiction seigneuriale. Armer man est pratiquement synonyme de gemeiner mann de même que pauperes et laboratores. (Source). Il ne faut cependant pas confondre serf et pauvre. L’article réclame la liberté de la chasse en particulier pour les animaux qui endommagent les récoltes, de l’oiselage, et de la pêche. Celle-ci doit être réglementée dans le cas où les biens en eaux ont été achetés à la commune. En cas de spoliation, ils doivent être restitués à la commune.
Der funfft artickel
Zum fünfften seyen wir auch beschwert der beholtzung halb. Dann vnsere herschafften habend jnenn die ho(e)ltzer alle allain geaignet, vnd wann der arm man was bedarff, mu(o)ß ers vmb zway geldt kauffen. Ist vnnser maynung: Was für ho(e)ltzer seyen, es habens geistlich oder weltlich, jnnen, die es nit erkaufft haben, sollen ayner gantzen gemain wider anhaim fallen, vnd ainer gemayn zimlicher weiß frey sein, aim yetlichen sein noturfft jnß hauß zu(o) brenen vmb sunst lassen nehmen, auch wann von no(e)ten sein wurde zu(o) zymmern auch vmb sunst nemen, doch mit wissen der, so von der gemain darzu(o) erwelt werden. So aber kains verhanden wer, dann das, so redlich erkaufft ist wordenn, sol man sich mit den selbigen briederlich vnd christelich vergleichen. Wann aber das gu(o)t am anfang auß inen selbs geaygnet wer worden vnd nachmals verkaufft worden, sol man sich vergleichen nach gestalt der sach vnd erkantnuß briederlicher lieb vnd heiliger geschrifft.
L’article cinq
« Cinquièmement. Nous nous plaignons aussi au sujet du bois, car nos seigneuries se sont appropriées à elles seules tout le bois. Et quand il en faut au manant, il doit l’acheter au double de sa valeur. Voici notre requête : le bois que possèdent les ecclésiastiques ou les laïcs et qu’ils n’ont pas acheté doit retourner à toute la communauté. Et la communauté en disposera librement comme il se doit, et chacun pourra chercher gratuitement le bois de chauffage qu’il lui faut. Il en est de même pour le bois de construction : qu’il soit disponible à titre gratuit, pour peu que soient avisés les membres de la communauté élus à cet effet. Et s’il n’était pas prouvé que le bois a été acquis honnêtement par ceux qui le détiennent, il faudra s’entendre fraternellement et chrétiennement avec eux. Mais s’il s’agit d’un bien d’abord accaparé, puis vendu par la suite, il faudra s’arranger selon la nature des faits en conformité avec l’amour fraternel et la Sainte Écriture ».
Der sechst artickel
Zu(o)m sechsten ist vnser hart beschwerung der dyenst halben, wo(e)lche von tag zu(o) tag gemert werden vnd teglich zu(o) nemen, begeren wir, das man ain zimlich ein sechen darein thu(e), vnß der massen nit so hart beschweren, sonder vns gnedig hier jnnen ansechen, wie vnser eltern gedient haben, allain nach laut des wort gots.
Article sixième
« Sixièmement. Nous nous plaignons beaucoup des corvées qui de jour en jour sont plus nombreuses et s’alourdissent quotidiennement. Nous demandons que l’on prenne en compte notre situation, comme il se doit, que l’on renonce à nous charger si durement, que l’on s’en tienne charitablement à la manière de servir de nos parents, le tout en conformité avec la seule Parole de Dieu ».
Der sybent artickel
Zu(e)m sibenden, das wir hinfüro vns ain herschafft nit weyter wo(e)lle lassen beschweren, sonder wieß ain herschafft zymlicher weiß aim verleycht, also sol erß besitzen laut der verainigung des herren vnd bauren. Der herr soll jn nit weiter zwyngen noch dryngen, mer dyenst noch anders vom jm vmb sunst begeren, darmit der baur solych gu(o)tt onbeschwert, also rüeblich brauchen vnd niessen müg. Ob aber des herren dienst von no(e)tten weren, sol jm der baur willig vnd gehorsam für ander sein, doch zu(e) stund vnd zeyt, das dem bauren nit zu(o) nachtail dyen, vnnd jme vmb aynen zymlichen pffenning denn thu(o)n.
Le septième article
« Septièmement. Nous ne voulons plus, à l’avenir, être accablés par les seigneurs [de nouvelles charges]. On tiendra [les biens] aux conditions de location convenues entre le seigneur et le paysan. Le seigneur ne doit pas astreindre ou forcer [le paysan] à plus de services ou d’autres exigences gratuites ; ainsi le paysan pourra user et jouir de tel bien sans tracas et tranquillement. Si toutefois le seigneur avait besoin d’un service, il est du devoir du paysan de le lui rendre, volontiers et docilement, mais à l’heure et au moment qui ne causent pas préjudice au paysan, et contre une juste rémunération ».
Der achtet artickel:
Zu(o)m achten sey wir beschwert, vnd der vil, so gu(e)ter jnnen haben, das die selbigen gu(e)ter die gült nit ertragen kinden vnd die bauren das jr darauff einbiessen vnd verderben, das die herschafft dieselbigen gu(e)ter, erber leüe besichtigen lassen vnd nach der billikayt ain gylt erscho(e)pff, damit der baur sein arbait nit vmb sunst thye, dann ain yetlicher tagwercker ist seyns lons wirdig.
Article huit
« Huitièmement. Nous nous plaignons, et sommes nombreux [à le faire], de détenir des biens sans pouvoir en supporter le cens, si bien que les paysans y perdent ce qu’ils ont et s’y ruinent. Que les seigneurs fassent évaluer ces biens par des gens d’honneur probes et que le cens soit établi avec équité, pour que le paysan ne travaille pas en vain, car chaque travailleur (tagwercker) mérite son salaire ».
Le paiement du cens, le terme désigne un ensemble de redevances, était fixe et décorrélé du résultat du travail. Il était dû même en cas de mauvaise récolte sans considération pour un minimum vital.
Der neundt artickel
Zu(o)m neünten seyen wyr beschwertt der grossen frefel, so man stetz new satzung macht, nit das man vnß strafft nach gestalt der sach, sunder zu(o) zeyten auß grossem neyd vnd zu(o) zeytten auß grossem gunst. Ist vnser maynung, vns bey alter geschribner straff straffen, darnach die sach gehandelt ist, vnd nit nach gunst.
Article neuvième
« Neuvièmement. Nous nous plaignons de la grande injustice qui résulte [du fait] que l’on édicte sans cesse de nouveaux règlements. On ne nous punit pas d’après la nature des faits, mais parfois avec grande rigueur, parfois avec grande faveur. Nous demandons à être sanctionnés selon l’ancien droit écrit (litt. : être punis selon les punitions anciennes écrites), selon la nature des faits, et non par faveur ».
Der zehent artickel
Zu(o)m zehenden sey wir beschwert, das etlich haben jnen zu(e)geaignet wisen, der gleichen ecker, die dann ainer gemain zu(o) geherendt. Dieselbigen werden wir wider zu(e) vnsern gemainen handen nehmen, es sey dann sach, das mans redlich erkaufft hab. Wann mans aber vnbillycher weyß erkaufft het, sol man sich gu(e)tlich vnnd briederlich mit ainander vergleychen nach gestalt der sach.
Dixième article
« Dixièmement. Nous nous plaignons du fait que d’aucuns se sont approprié des prés, ou des champs, qui appartenaient à la communauté. Nous reprendrons [ces biens] pour les remettre à la disposition de tous. A moins qu’ils n’aient été achetés honnêtement. Mais s’ils ont été acquis de manière injuste, il faudra s’entendre à l’amiable et fraternellement selon la nature des faits ».
Der aylfft artickel:
Zu(o)m ailften wellen wir den brauch genant den todt fall gantz vnd gar abthu(e)n haben. Den nimmer leiden noch gestatten, das man witwen, waisen das jr wider got vnd eeren, also schentlich nemen, berauben sol, wie es an vil ortten (menigerlay gestalt) geschehen ist, vnd von den, so sy besitzen vnd beschirmen solten, hand sy vns geschunden vnnd geschaben, vnd wann sy wenig fu(o)g hettendt gehabt, hettendt diß gar genomen, das got nit mer leiden wyl, sunder sol gantz absein, kain mensch nichts hinfiro schuldig sein zu(o) geben, weder wenig noch vyl.
Article onze
« Onzièmement. Nous voulons que soit aboli entièrement l’usage dit de mainmorte. Dorénavant nous n’admettrons plus ni ne tolérerons que l’on dépouille honteusement veuves et orphelins de leurs biens, en dépit [des lois] de Dieu et de l’honneur, comme cela est arrivé en de nombreux endroits (et de multiples manières), de la part de ceux qui devaient les protéger et les assister. Ils nous ont écorchés et étrillés, et même s’ils n’avaient qu’un droit restreint, ils se sont arrogé [ce droit] dans sa totalité. Ce que Dieu ne tolérera plus et qui doit être entièrement aboli. Dorénavant, personne ne sera plus astreint à donner [quoi que ce soit], peu ou prou [en cas de décès] ».
La mainmorte est un impôt sur l’héritage souvent la plus belle bête du troupeau ou le plus bel habit pour le décès d’une femme.
[Beschluss]
Zu(o)m zwelften ist vnser beschluß vnd endtlyche maynung, wann ainer oder mer artickel, alhie gesteldt (so dem wort gotes nit gemeß) weren, als wir dann nit vermainen, die selbigen artickel wol man vns mit dem wort gots für vnzimlich anzaigen, wolt wyr daruon abston, wann mans vns mit grundt der schrifft erklert. Ob man vns schon etlich artickel yetz zu(o) lyeß vnd hernach sich befendt, das vnrecht weren, sollen sy von stund an todt vnd absein, || nichts mer gelten. Dergleichen ob sich in der schrifft mit der warhait mer artickel erfunden, die wider got vnd beschwernus der na(e)chsten weren, wo(e)ll wir vnns auch vorbehalten vnnd beschlossen haben vnnd vns in aller christlicher leer yeben vnd brauchen. Darumb wir gott den herren bitten wo(e)llen, der vns das selbig geben kan vnnd sunst nyemant. Der frid Christi sey mit vns allen.
Conclusion
« Douzièmement. Voici notre conclusion et notre ultime avis : si l’un ou plusieurs des articles ci-dessus énoncés (n’étaient pas conformes à la Parole de Dieu), ce que nous ne pensons pas, et si l’on nous montrait par la Parole de Dieu que ces mêmes articles sont inappropriés, nous voulons y renoncer, si l’explication est fondée sur l’Écriture. Et si même dès à présent certains articles sont admis, et si par la suite il s’avérait qu’ils sont injustes, qu’ils soient alors caducs, nuls et non avenus. De même, si on trouvait dans l’Écriture, en toute bonne foi, [que] d’autres articles encore sont contraires à Dieu et au bien du prochain, nous y renonçons ; et nous avons décidé de vivre selon toute la doctrine chrétienne et ses pratiques. Ce pourquoi nous voulons prier Dieu le Seigneur qui lui seul peut nous accorder cela, et personne d’autre. La paix de Christ soit avec nous tous ».
Le dernier article est un appel à la controverse théologique. Sollicités pour avis, les théologiens de Wittenberg, Martin Luther et Philipp Melanchthon, n’apprécieront guère – et c’est un euphémisme- cette lecture sociale de la bible, ce biblicisme retourné contre le féodalisme ou que l’on appellera bien plus tard, en Amérique latine, cette théologie de la libération. Un chrétien doit supporter l’injustice et non s’élever contre l’autorité, écrira en substance Luther au mois d’avril avant d’appeler plus tard au massacre des paysans.
(Source du texte allemand : Archives municipales de la Ville de Memmingen. Traduction : René Joseph GERBER, ”Lis avec application les articles… et puis tu jugeras” : la réception des XII articles dans les ”Flugschriften” de 1525. Université de Strasbourg, faculté théologique protestante, thèse soutenue le 6 septembre 2012, disponible en ligne ici.)
La problématique des XII articles
Les 12 articles sont une synthèse des doléances locales provenant de paysans, de villages et seigneuries. La rédaction du texte est attribuée à un seul homme, un artisan pelletier, Sebastian Lotzer, secondé probablement ou inspiré par un théologien réformateur, Christoph Schappeler, originaire de Saint Gall en Suisse, où il fut d’abord instituteur puis curé à Memmingen. Il a probablement contribué à la rédaction du préambule et aux gloses bibliques qui figurent en marge du texte.
S’il y a douze articles c’est parce qu’il y eut douze apôtres. Leur ordonnancement ne reflète pas la hiérarchie des doléances tirées de centaines de contributions des villages de Haute Souabe ou d’articles élaborés antérieurement. Il ne rend pas compte du poids respectif des différentes revendications. Une étude statistique d’un corpus préservé de doléances confirme :
« Autant quantitativement que qualitativement, le servage arrive en tête des doléances : 70 % des villages et seigneuries réclamaient sans compromis l’abolition du servage – si l’on y ajoute les griefs particuliers contre la mainmorte et toutes les taxes liées aux modifications d’état civil ainsi que les entraves au mariage [Le mariage entre serve et serf de différents seigneurs était prohibé], ce sont 90 % de tous les paysans qui se plaignent du servage. »
A contrario :
« Manifestement, la demande du choix du pasteur dans les XII articles n’est pas issue des doléances locales. Elle est le produit d’un processus qui s’est déroulé à l’intérieur des bandes paysannes en février 1525. L’élection du pasteur n’est présente que dans 13 % des doléances locales, cette proportion se réduit à 4 % si l’on ne pend en compte que celles clairement formulées avant la rédaction des XII articles »
(Peter BLICKLE : Die Revolution von 1525, 4ème éd., Oldenbourg Verlag, München, 2004. Respectivement p.36 et 38)
Travail de condensation, de synthèse, il fait passer à la trappe certaines revendications locales spécifiques voire de genre telle que la question des sages-femmes tout en permettant à chacune et chacun de se reconnaître dans l’ensemble de quelques éléments clés. Son efficacité tient à sa relative brièveté tenant selon les formats en 4 ou 6 pages facilement reproductibles
En comparant les articles manuscrits destinés au Conseil de la Ville de Memmingen qui ont probablement été retravaillés pour le texte ultérieur imprimé des XII articles, Thomas Kaufmann constate que le passage du manuscrit au texte imprimé se caractérise par « une atténuation du potentiel conflictuel des articles ». (p.152). L’historien considère comme « improbable » un lien direct entre la rédaction du texte et les acteurs sur le terrain. Il est cependant remarquable que
« la réception des Douze articles en fit ce qui était leur objectif : un écrit programmatique de toute la paysannerie qui, par ce texte se mit à exister quasiment comme une entité »
(Thomas Kaufmann : Der Bauernkrieg, Ein Medienereignis. Herderverlag 2024. p.154)
Pour Gerd Schwerhoff, il faut abandonner l’idée d’un processus démocratique issu de la base pour l’élaboration des douze articles.
« La portée universalisante des XII articles repose moins sur le contexte décisionnel que sur l’ingéniosité de la construction du texte »
(Gerd Schwerhoff : Der Bauernkrieg/Geschichte einer wilden Handlung. CHBeck. 2025.p.154)
L’auteur entend par là notamment l’abandon de toute référence concrète à des circonstances et des acteurs qui entraverait sa portée suprarégionale au profit d’une adresse à tous, l’emploi d’un nous collectif comme sujet du texte adressé à un destinataire devenu : le lecteur chrétien. La dernière phrase du préambule en témoigne :
« C’est pourquoi, lecteur chrétien, lis avec application les articles et puis tu jugeras. »
Cela n’empêchait pas les XII articles de pouvoir être adaptés localement, complétés ou de servir de substitut, le cas échéant. Je parlerai plus tard des 24 articles du Sundgau en Alsace.
« Les douze articles avaient une signification comme substitut à des revendications locales et régionales et comme supplément à des articles de doléances originaires et comme programme ».
(Peter BLICKLE : Die Revolution von 1525, 4ème éd., Oldenbourg Verlag, München, 2004 p.89).
La dimension de proposition à débattre est renforcée dans un certain nombre d’éditions par les frontispices qui offrent une image de paysans en discussion. La flexibilité du texte pouvait être interprétée comme un prudent programme de réformes ou comme un manifeste révolutionnaire. La plus forte revendication est sans doute l’abolition du servage et la volonté d’être libres (article 3). La Leibeigenschaft désigne littéralement le fait que son corps, sa vie, appartienne à un seigneur. Il ne faut toutefois pas confondre servage avec esclavage.
Les XII articles ont été qualifiés par l’historien Christian Pfister de « sorte de Marseillaise des paysans sans musique et de manifeste analogue à ce que sera en 1789 la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».(cité par G. Bischoff)
« Et c’est une des tragédies de la Guerre des paysans que leurs douze articles ne fassent pas partie des jalons de l’histoire intellectuelle de l’Allemagne ayant au contraire été ignorés tant des lettrés de l’époque que plus tard de la bourgeoisie éclairée (Bildungsbürgertum) »
(Christian Pantle : Der Bauerkrieg. Deutschlands grosser Volksaufstand. Propyläen. 2024. p.58)
Le 27 mars, le premier château, une dépendance de l’Abbaye de Salem, était en flammes à Schemmerberg à 26 km au sud ouest d’Ulm,
A suivre : La guerre des seigneurs contre les paysans