En guise de voeux :
« Fatzer, viens! »/ « Fatzer komm! » (Brecht)

Heiner Müller lit Fatzer, komm ! de Bertolt Brecht au cours d’une soirée de lectures consacrée à Kafka, le 14 janvier1993 au Berliner Ensemble. La succession d’injonctions rassemblée sous le titre Fatzer komm ! (Fatzer, viens !) forme le chœur final du montage réalisé par Heiner Müller à partir des fragments laissés par Brecht.  Extrait de Müller MP3 Heiner Müller Tondokumente. Alexander Verlag

Fatzer komm !

1
verlass deinen posten.
Die siege sind erfochten. die niederlagen sind
erfochten.
verlass jetzt deinen posten.

tauche wieder unter in der tiefe, sieger.
der jubel dringt dorthin, wo das gefecht war.
sei nicht mehr dort.
erwarte das geschrei der niederlage dort, wo es am lautesten ist :
in der tiefe.
verlass den alten posten.

ziehe deine stimme ein, redner.
dein name wird ausgewicht auf den tafeln. deine befehle
werden nicht ausgeführt. Erlaube
dass neue namen auf der tafel erscheinen und
neue befehle befolgt werden.
(du der nicht mehr befiehlt
fordere nicht zum ungehorsam auf!)
verlass den alten posten.

du hast nicht ausgereicht
du bist nicht fertig
jetzt hast du die erfahrung und reichst aus
jetzt kannst du beginnen :
verlass den posten.

du der die ämter beherrscht hat
heize deinen ofen.
du der nicht zeit hatte zu essen
koch dir suppe.
du, über vieles geschrieben ist
studiere das ABC.
beginne sofort damit :
beziehe den neuen posten.

der geschlagene entrinnt nicht der weisheit.
Halte dich fest und sinke ! fürchte dich ! sinke doch! auf dem grunde
erwartet dich die lehre.
zu viel gefragter
werde teihaftig des unschätzbaren
unterrichts der masse :
beziehe den neuen posten.

2

der tisch ist fertig, tischler.
gestatte, dass wir ihn wegnehmen.
hoble jetzt nicht weiter daran herum
höre auf mit dem anstreichen
rede nicht davon gut noch übel :
so wie er ist, nehmen wir ihn.
wir brauchen ihn.
gib ihn heraus.

du bist fertig, staatsmann
der staat ist nicht fertig.
gestatte dass wir ihn verändern
nach den bedingungen unseres lebens.
gestatte, dass wir staatsmänner sind, staatsmann.
unter deinen gesetzen steht dein name.
vergiss den namen
achte deine gesetze, gesetzgeber.

Lass dir die ordnung gefallen, ordner.
der staat braucht dich nicht mehr.
gib ihn heraus

Fatzer, viens !

1
quitte ton poste.
nous nous sommes battus pour les victoires. nous nous sommes battus pour les défaites.
quitte maintenant ton poste.

retourne t'immerger dans les profondeurs, vainqueur.
les clameurs attirent là où furent les combats.
n'y sois plus.
attends les cris de la défaite là où ils sont les plus forts :
dans les profondeurs.
quitte ton ancien poste.

renonce à ta parole, orateur.
ton nom sera effacé des tablettes. tes ordres
ne seront pas exécutés. Permets
que des noms nouveaux figurent sur les tablettes et
que des ordres nouveaux soient exécutés.
(toi qui n'ordonne plus
n'appelle pas à la désobéissance!)
quitte ton ancien poste.

tu n'as pas été à la hauteur.
tu n'as pas fini.
maintenant tu as l'expérience et c'est suffisant.
maintenant tu peux commencer :
quitte ton poste.

toi qui avais la haute main sur les services,
allume ton poêle.
toi qui n'avais pas le temps de manger,
cuisine toi une soupe.
toi sur qui il a été beaucoup écrit,
étudie l'ABC.
mets toi y immédiatement
prend ton nouveau poste.

le vaincu n’échappe pas
à la sagesse.
accroches-toi et coule! aie peur! coule donc! c’est au fond
que t’attend le savoir.
toi qu’on a trop interrogé,
prends part à l’inestimable
enseignement de la masse.
prends le nouveau poste.

2

la table est terminée, menuisier,
permets que nous l'emportions.
cesse de la raboter dans tous les sens,
arrête de la peindre,
n'en parles ni en bien ni en mal :
nous le prenons tel qu'il est.
nous en avons besoin,
remets la nous.

tu es au bout homme d'état
mais l'état n'est pas au bout.
permets que nous le transformions
selon les conditions de notre vie.
permets homme d'état que nous soyons hommes d'état.
tes lois portent ta signature,
oublie la,
respecte les lois, législateur.

acceptes l'ordre agent de l'ordre.
l'état n'a plus besoin de toi.
remets le nous.
Les fragments Fatzer sont constitués de centaines de feuillets épars écrits par Brecht entre 1926 et 1931. On ne sait trop pourquoi – Brecht a-t-il été effrayé par sa propre radicalité ? – ce matériau de véritables mises en abîme n’a jamais mené à l’écriture d’une pièce. Heiner Müller s’en est emparé pour en faire un montage et lui redonner toute sa place. Fatzer évoque l’histoire de quatre déserteurs pendant la première guerre mondiale qui dans leur cachette attendent la révolution en se trahissant les uns les autres.
Il existe aux Éditions de l’Arche une version française sous le titre Fatzer fragment, montage d’Heiner Müller dans une traduction de François Rey. Je l’ai sensiblement modifiée.
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