En le descendant à la nage, Andreas Fath appelle à prendre soin du Danube

Bande annonce d’un documentaire à venir sur le projet Danube propre.

Il l’avait déjà fait pour le Rhin, en 2014 – j’avais rendu compte de son livre –. Puis pour la rivière Tennessee, en 2017. Cette année, Andreas Fath, professeur de chimie à l’Université des sciences appliquées de Furtwangen et passionné de natation a entrepris de descendre à la nage, le Danube, le plus européen des fleuves d‘Europe avec sa traversée de dix pays. Son projet s‘intitule CleanDanube, Danube propre. Il avait dû être reporté d’un an en raison de la pandémie Convid19.

A 57 ans, Andreas Fath s’est mis à l’eau,  au lendemain de Pâques 2022, d’abord symboliquement à Donaueschignen, puis plus réellement du côté de Sigmaringen. Le Danube est issu de la réunion, à Donaueschingen de la Breg et la Brigach. A une cinquantaine de kilomètres de sa source, le fleuve disparaît dans une faille où il alimente le bassin du Rhin qui est pour Hölderlin « l’autre », celui qui bifurque vers le nord. L’Ister, son autre nom, est un des seuls grands fleuves européens (avec le Pô) à s’écouler d’ouest en est, formant un chemin qui relie l’Occident à L’Orient. Il passe du sombre au sombre, de la Forêt noire à la Mer noire.

Andreas Fath a prévu de rester huit heures par jour dans l’eau, espérant parcourir entre 30 et 70 km, quotidiennement, selon les difficultés. Une soixante d’étapes devrait couvrir en deux mois les quelque 2700 kilomètres parcourables à la nage soit plus du double du Rhin. La longueur totale du fleuve est de 2857 km. L’exploit sportif n’est cependant que l’aspect secondaire, si l’on peut dire. Au premier plan, il s’agit de nager pour attirer l’attention sur la nécessité de prendre soin du Danube. Et il en a besoin.

4 tonnes de particules plastiques sont déversés chaque jour dans la Mer noire par le fleuve. Leur nombre dépasse celui des larves de poissons. La caractéristique du plastique est d’être un inorganique recyclable. Il ne devrait donc pas se retrouver dans les fleuves et dans les estomacs de poissons avant de finir dans les nôtres. Certains états danubiens sont dépourvus de système de consignes pour les contenants et/ou ne disposent pas de stratégies en matière de déchets plastiques de sorte que bouteilles, sacs et autres déchets se retrouvent sur les berges du fleuve puis dans son lit. Le Danube fonctionne comme une meule qui broie les macroplastiques en microplastiques, rendant finalement les particules invisibles. Avant de finir dans la mer, les polluants sont d’abord transportés par les cours d’eau.
Les prélèvements pratiqués quotidiennement par le nageur lui-même et par l’équipe qui l’entoure permettront de mesurer les teneurs de l’eau en microplastiques mais également en phosphates et nitrates. Ils serviront aussi  à évaluer la charge en pesticides et antibiotiques
Le projet a une forte dimension pédagogique avec l’objectif d’une prise de conscience pour ce qui concerne la pollution de l’eau, les déchets et le broyage des plastiques, la valorisation de l’espace naturel du Danube. Sur la base des données scientifiques recueillies. Un laboratoire mobile permettra une expérimentation participative sur les origines des microplastiques, la manières dont ils se répartissent dans l’eau, la façon dont ils sont ingérés dans l’organisme.

« Bien sûr, dit Andreas Fath, il y aurait des méthodes plus simples. Je pourrais prendre ma voiture, faire descendre depuis un pont un flacon pour prélever l’eau ou fixer un capteur sur un pilier de pont plutôt qu’à ma jambe. Mais cela attirerait-il l’attention ? Il s’agit de rien moins que de la protection des eaux qui sont au fondement de nos vie. La qualité de l’eau dépend de chacun d’entre nous dès lors que l’on lance un mégot dans une bouche d’égout, que l’on jette des médicaments dans les toilettes ou que l’on abandonne une bouteille en plastique sur une berge. Pour expliquer cela aux gens, il faut les toucher. Une publication scientifique n’est pour l’essentiel lue que par des scientifiques alors, quand un professeur un peu « fou » s’attaque pour des raisons de protection de l’eau à l’ensemble du Danube, cela éveille la curiosité. Cette curiosité permet comme pour le projet sur le Rhin et des 300 conférences d’éclairer la problématique. Les conférences se déroulent toujours sur le même principe. J’embarque mes auditeurs dans un voyage d’aventure, puis je leur présente les résultats et il s’en suit une vivante discussion ».

(Andreas Fath Der schwimmende Professor. Interview dans le magazine Wasserkraft Nr75. Mars 2022. Traduction B. Umbrecht)

Le nageur est accompagné par un bateau de tourisme autrichien, le MS Marbach, réaménagé en dortoir, cantine et laboratoire pour 8 personnes. On peut suivre ici son journal de bord.

J’ai parlé de prendre soin du Danube. Ce qui vaut sur le plan écologique vaut aussi sur le plan « culturel » au sens où il y aurait nécessité de retrouver un regard perdu vers l’Est de l’Europe.

On peut (re) lire/(re)voir dans le SauteRhin :

Remonter le Danube jusqu’à Vukovar avec Bernard Stiegler
Méditation sur le Danube : un extrait du film de Théo Angelopoulos, Le regard d’Ulysse.

Print Friendly, PDF & Email
Ce contenu a été publié dans Commentaire d'actualité, avec comme mot(s)-clé(s) , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *