Hommage au poète Nathan Katz

 

Sur Waldighoffen, village natal de Nathan Katz
se lève soudain un vent d’orage
et du vieux pommier tombent des pommes
comme une courte averse
sur la prairie recouverte de crocus roses
Ecoutons ensemble ! La langue natale de Nathan Katz
cette source ancienne et cette terre fertile
qu’elle ne cesse de renvoyer en écho
vers la langue universelle
Kza Han & Herbert Holl
Extrait de l’avant propos d’un choix de 17 poèmes de Nathan Katz : Comme si nous pouvions connaître l’ éternité publié aux Éditions Nadir en 1987. Mes remerciements à Herbert Holl de me les avoir transmis. Les auteurs de cet hommage au poète alsacien sont l’une d’origine coréenne et l’autre natif de Colmar. Nous les avons déjà croisés dans le SauteRhin notamment comme traducteurs de Hölderlin et d’Alexander Kluge. J’ai également publié un texte de Kza Han sur Otto Dix.
Né le 24 décembre 1892 à Waldighoffen, dans le Sundgau alsacien , une aire linguistique qui a ses sonorités propres, et mort à Mulhouse 1e 12 janvier 1981, Nathan Katz, ce « grand frère » dEugène Guillevic, est un grand poète alémanique, langue pour laquelle il avait opté après avoir commencé à écrire en allemand, langue qu’il avait apprise à l’école.
Parmi les mots utilisés par Kza Han et Herbert Holl dans le texte cité, il en est un qui m’attire particulièrement, c’est celui d’écho pour qualifier la relation entre la langue universelle et celle natale, singulière, la heimetsproch,qui est d’abord celle du village, la langue que l’on pourrait qualifier de langue payse. Une langue d’avant l’écriture moderne, qui s’est formée au cours de l’histoire, à travers de nombreuses générations, et qui a quelque chose de sacré  :
D’Haimetsproch, wu vil älter isch ass äiseri moderni Schriftsproch. D’Haimetspoch, wu si gformt het in lange Zite, dur vil Gchlàchter, un wu ebbis Heiligs isch.
Elle a traversé et a été formée par de nombreux corps à travers l’histoire.
L’écho est une onde sonore qui se propage en se métamorphosant. Elle ne reproduit pas à l’identique le singulier dans l’universel. Et inversement, car Nathan Katz était aussi à l’écoute de l’universel. La question de l’écoute justement compte parmi les raisons du choix de l ‘alémanique, seule langue capable de capter « l’appel qui traverse les jardins » du Sundgau, celui de la vie et de son éternel recommencement. O loos da Rüef dur d’Garta. Kza Han & Herbert Holl ont traduit ce qui est à la fois le titre d’un poème et d’un recueil par Capte l’appel qui traverse les jardins alors qu’habituellement l’on se contente d’un simple écoute : Écoute l’appel qui traverse les jardins. Losen ne signifie en effet pas seulement ouvrir ses esgourdes, il faut aussi les tendre. Être actif pour accéder aux dimensions secrètes de ce qui se peut entendre. De l’attention est requise pour le saisir. Cela ne suffit cependant pas. Encore faut-il élever la langue à une dimension poétique :
I ha versüecht, im Dialekt vom Sundgäu, Gedichchter un Geschichte un Theatersticker z’schribe. Im Dialekt vom Sundgäu, dam üralte alemanische àchte Dialekt, wie n er no vo de Büre im Sundgäu gredt wird, un i ha versüecht, dà Dialekt üf e hecheri Ebeni z’bringe, ohne ass er àchtheit verliert.
[J’ai essayé d’écrire des poèmes, des histoires, des pièces de théâtre en dialecte du Sundgau. En dialecte du Sundgau, ce très ancien et authentique dialecte alémanique tel qu’il est parlé par les paysans du Sundgau, et j’ai essayé d’élever ce dialecte à un niveau supérieur sans qu’il perde en authenticité.]
Ces propos tenus par Nathan Katz à l’occasion de la réception d’un prix culturel du Rhin supérieur à Fribourg en Brisgau en 1966 témoignent d’une claire conscience de l’importance de son travail. Il faut en quelque sorte tenir la langue par ses deux bouts, sa source et ce vers quoi elle est capable de s’élever. Cela passe par l’écriture.
À suivre….
Les citations sont extraites de D’Haimetsproch un dr Dichter Hebel in Nathan Katz Mi Sundgäu Morstadt Verlag p. 214
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