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En guise de voeux :
« Fatzer, viens! »/ « Fatzer komm! » (Brecht)
Heiner Müller lit Fatzer, komm ! de Bertolt Brecht au cours d’une soirée de lectures consacrée à Kafka, le 14 janvier1993 au Berliner Ensemble. La succession d’injonctions rassemblée sous le titre Fatzer komm ! (Fatzer, viens !) forme le chœur final du montage réalisé par Heiner Müller à partir des fragments laissés par Brecht. Extrait de Müller MP3 Heiner Müller Tondokumente. Alexander Verlag
Publié dans Heiner Müller, Littérature, Théâtre
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Heiner Müller/Essai biographique (1) : Naissance
J’ai choisi d’honorer le 20ème anniversaire de la mort de Heiner Müller, le 30 décembre 1995, par l’évocation de sa naissance, le 9 janvier 1929. Les institutions théâtrales et notamment celle qu’il a dirigée ont dédaigné cet anniversaire, dédaigné de montrer que son œuvre était vivante. Honte au Berliner Ensemble ! Mais nous n’avons pas besoin d’elles. Heiner Müller nous avait dit que c’est dans les microstructures que se construit l’avenir du moins dans un premier temps.

Sur le côté droit de la rue, Freiberger Straße, une plaque signale la maison natale de Heiner Müller à Eppendorf en Saxe. Les parents et grands parents occupaient le rez-de-chaussée.
«Et Heiner ne voulait pas venir »
«Ich war eine schwere Geburt. Sie hat lange gedauert, von früh bis neun Uhr abends. 9 Januar 1929»
Je fus une naissance laborieuse. Elle a duré longtemps, du matin tôt à neuf heures du soir. 9 janvier 1929
Heiner Müller : Krieg ohne Schlacht. Eine Leben in zwei Diktaturen Suhrkamp Verlag
Laborieux. Il ne voulait carrément pas naître, dit sa maman dont nous avons le témoignage :
… 1929, en janvier. A vrai dire le plus terrible hiver qu’il n’y a jamais eu. Il neigeait dru. Kurt et moi, nous vivions encore chez nos parents. Nous y avions une pièce à vivre et une chambre à coucher.
Ma mère a fait du feu. Elle a chauffé très tôt, toute la journée, la nuit. Un froid terrible. Et Heiner ne voulait pas venir. Cela a commencé tôt le matin à huit heures jusqu’au soir à neuf heures. Toujours pas. Il ne voulait pas venir au monde. Moi, j’ai gémi, gémi, ah, il ne voulait pas et moi je voulais mourir. La sage-femme m’a engueulée, que je devais avoir honte et être contente d’avoir un enfant. J’ai eu honte ensuite, mais il ne voulait pas et les douleurs et tout. Puis le soir à dix heures, neuf livres et demie. Mon dieu. J’étais pourtant petite et frêle !
Il était blond, un enfant blond, tout tendre tout mou devant toute chose. Il l’a toujours été, toute son enfance.
Qu’est-ce que j’en ai raconté des contes et des contes et encore des contes, il n’était jamais rassasié. Et puis il y a ce conte avec l’enfant du roi. Mais l’enfant du roi ne devait pas mourir. Et quand on racontait à nouveau le conte, il fallait faire comme si.. . Non, il ne devait pas mourir.
Ella Müller. Erinnerung der Mutter (Souvenir de la mère) recueilli par Thomas Heise in Explosion of a memory. Heiner Müller DDR Ein Arbeitsbuch Edité par Wolfgang Storch Edition Entrich Berlin 1988 page 247
Je reviens sur l’incipit de l’autobiographie de Heiner Müller : Ich war eine schwere Geburt que j’ai essayé de traduire ; je fus une naissance laborieuse plutôt que j’ai eu une naissance difficile. Qu’elle qu’ait été l’intention de l’auteur, je pars de mon ressenti de lecteur, on verra bien où cela nous mènera. Et si la phrase avait une dimension plus métaphorique que banale ? Testons l’hypothèse. Et voilà que j’apprends que jusqu’à Hannah Arendt la question de la naissance a peu intéressé les philosophes. On affirme rarement sa singularité dans la natalité qui est généralement donnée au passé et au passif. Je suis né, venu au monde. Ma naissance fut difficile. Beckett dit que ce n’est pas lui qui est né mais un autre que lui. On naît sans savoir qui est celui qui naît. Arriver dans un monde qui est déjà là est la condition d’une vita activa. Le nouveau né est appelé parce que nouveau à transformer ce qui existe, même les contes, à œuvrer, agir. C’est ce que Hannah Arendt oppose à la métaphysique de la mort et qu’elle appelle politique. Heiner Müller y ajoute le travail de la naissance elle même : je fus une naissance difficile, laborieuse. Comme si ce n’était pas seulement le travail de sa mère mais aussi le sien. La maman lui confère d’ailleurs dans son récit une part des réticences à naître. Au début était l’action. On vient au monde. La vie est travail.
Lieu de naissance : Eppendorf en Saxe. Déclaré à l’État civil sous le nom de Reimund Heiner Müller. Il y a dans ce prénom de Heiner quelque chose qui dit ce monde dans lequel il arrive. Son biographe, Jan-Christoph Hauschild, nous apprend que le prénom provient d’une des chansons préférées de son père, Heinerle, Heinerle, hab kein geld (Petit Heiner, petit Heiner, n’ai point d’argent). Cet air extrait d’une opérette de Leo Fall, der fidele Bauer, (Le joyeux paysan) met en scène – on imagine une fête foraine – le dialogue d’un enfant qui demande à sa mère de lui acheter quelque chose, une sucrerie ou un accès à une attraction et sa mère qui a chaque requête répond : Heinerle, Heinerle, hab kein geld (Petit Heiner, petit Heiner, n’ai point d’argent). L’air varie le thème. A un moment elle dit : Quand j’aurais de l’argent rien ne sera trop beau pour mon petit. / Mais quand auras-tu de l’argent ? / Je ne le sais pas.
Nous verrons dans un prochain épisode le rôle, assez proche de la chanson, que cette question de l’argent a joué dans l’enfance de Heiner Müller. Avec le texte ci-dessus débute en effet sur le Sauterhin, le feuilleton de cet essai biographique qui nous occupera tout le long de l’année prochaine et peut-être même au-delà. Feuilleton, car cela m’apparaît de plus en plus comme la forme adéquate au web permettant de resserrer en éléments courts, concentrés et ouverts, un plus long récit. La brièveté est une condition pour espérer être lu.
Au commencement était l’action, au commencement était le mot. Le monde dans lequel on vient est aussi un monde dans lequel existent déjà des livres. Ils occupent une place importante chez les Müller. L’appartement dans lequel Heiner est né, dans la maison photographiée ci-dessus en 2015, «était constitué de deux pièces et demie, au rez-de-chaussée, une cuisine, une chambre à coucher et une petite pièce principalement occupée par les livres de Kurt Müller. Les deux autres pièces sont occupées par les grands parents Ruhland (1)», les grands parents maternels. «Chez le père de Heiner, la chose principale était toujours, des livres, des livres, des livres» s’est souvenu une voisine citée par Jan-Christoph Hauschild (1). Ces livres que les nazis jetèrent à terre lors de son arrestation sous le regard de l’enfant de quatre ans.
Et voici annoncé le second feuilleton consacré à Heiner Müller l’année prochaine,son rapport aux livres et à la lecture. Qu’est-ce que lire ?
À suivre
(1) Jan-Christoph Hauschild : Heiner Müller oder das Prinzip Zweifel Eine Biographie Aufbau Verlag
Publié dans Heiner Müller
Marqué avec "Heinerle hab kein Geld", "Heinerle", Ella Müller, Eppendorf, Heiner Müller, Jan-Christoph Hauschild, Naissance de Heiner Müller
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Alain Lance en diariste intermittent
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Train Parsifal entre Liège et Düsseldorf
Par la fenêtre du wagon-restaurant, il scrute le ciel sombre. La seule lumière semble monter des champs enneigés. Trois uniformes ouest-allemands s’attardent à contrôler les papiers, le billet, les devises d’un voyageur pakistanais. Au bout d’un certain temps, le monsieur, qui parle anglais avec son accent favori, leur demande poliment la raison de toutes ces vérifications. «Because it is not normal to make a journey without luggage», lui répond le plus jeune des trois. Eh bien , voilà justement ce dont-il rêve toujours : voyager sans bagages et les mains dans les poches. Au fur et à mesure qu’on pénètre à l’intérieur de l’Allemagne, la couche de neige sur les branches est de plus en plus épaisse. On imagine un train roulant vers l’est, s’enfonçant toujours d’avantage dans une neige formant de chaque côté de la voie deux murailles qui s’élèvent régulièrement , puis le convoi finirait par se dissoudre totalement dans le blanc. Le Pakistanais l’observe en train d’écrire. A chacun son suspect .(p24-25)
Les coupures de temps commencent en 1983 et durent jusqu’en 1987 Elles se terminent sur la période où leur auteur dirigeait l’Institut français de Francfort, après avoir été refusé par l’ambassadeur au Centre culturel français Berlin-Est. Il avait lui-même décliné l’offre de Tübingen. Période d’intenses échanges littéraires entre la France et l’Allemagne, de l’Est en particulier dans ce cas précis, dont Alain Lance est un des pivots. Période aussi où s’amorce le déclin de la gauche et du PCF. Il avait commencé avant déjà. Ayant adhéré au PCF en 1963, il le quitte en 1983 après avoir dans une réunion cité un poème de Brecht auquel ses interlocuteurs ne comprendront rien. Dans cette période, je cherchais de mon côté plutôt du côté de Kafka pour me situer par rapport à ce parti. Période enfin où commence ce qui explose aujourd’hui. Je pense aux élections municipales de Dreux, premier grand choc avec l’entrée de l’extrême droite dans un Conseil municipal. C’était il y a plus de trente ans. Depuis nous allons de choc en choc tous les lundis matins d’élections. Le Pen commence à percer et les «intellectuels» à démissionner dans la critique de l’idéologie alors que l’on voyait poindre le fait que «la barbarie libérale avancée était prête à s’acoquiner avec l’extrême droite».
On voit aussi virevolter les membres de sa famille bien sûr, sa femme Renate et sa fille Amélia, les amis, toute la galaxie des poètes français que je connais peu et surtout celle des poètes allemands de l’Est – mais pas que – comme Volker Braun, Stephan Hermlin, Christa Wolf que je connais mieux. S’ils ont été en RDA face à des difficultés d’édition de leurs œuvres et face à des dirigeants incapables de comprendre la littérature produite par leur pays, ils ne sont pas les «dissidents» que souhaitent publier les éditeurs français qui raisonnaient en termes binaires. Ils n’étaient pas les seuls. C’est aussi ce que Heiner Müller reprochera à Michel Foucault. Il y a donc dans ces notes des bribes d’histoire d’un pays disparu, dissous par ses propres dirigeants – ici c’est moi qui extrapole. D’autres dissolutions suivront y compris chez nous aujourd’hui. Sont évoqués là des moments auxquels j’ai participé, d’autres où j’aurais sans doute du être, peut-être l’étais-je d’ailleurs sans m’en souvenir. J’ai croisé dans le texte d’Alain Lance toute une série de personnes que je retrouve certaines avec plus d’émotion que d’autres, je pense à Fritz Rudolf Fries, le plus espagnol des écrivains allemands chez qui j’ai passé un 31 décembre mémorable ou sur un autre plan Claude Prévost, germaniste et chroniqueur littéraire à l’Humanité du temps où j’y travaillais et plus tard encore. On ne dira jamais assez combien il a fait lire et aimer la littérature. Alain Lance lui rend d’ailleurs hommage dans un précédent livre, Longtemps, l’Allemagne dans lequel il raconte comment il en est venu à l’Allemagne, aux Allemagnes.
Les coupures de temps sont aussi un journal au sens plus traditionnel quoique son auteur ne soit pas un diariste assidu. A côté des jeux de mots d’Amélia, des bouts de rêves et de récits, les doutes d’un auteur, des anecdotes.
En voici une amusante qui raconte l’arrivée en Hongrie et sortant de RDA :
Aux toilettes : un papier de bonne qualité, qui ne vous râpe pas les fesses comme celui de la RDA, que Volker [Braun] considère comme inhumain.
Les poètes ont le derrière délicat.
Une autre :
Retour à Paris. Pour la seconde fois, Zazie dans le métro dégringole d’une étagère à livres et entraîne L’enfant miroir dans sa chute. Quelle sale gosse.
Ces fragments de temps tournent autour de la littérature, lire, écrire, traduire, publier, éditer, en plus de son activité d’enseignement, sans être agrégé ni fonctionnaire. Il est question de l’édition de son propre recueil : Ouvert pour inventaire. Il est presque logique qu’on le retrouve finalement en poste de directeur du Centre culturel français de Francfort, ville des banques et du livre où il fera venir nombre d’auteurs français. Je n’entre pas dans les détails, c’est ce mouvement d’échange dans les deux sens qui caractérise Alain Lance.
Le tout est émaillé de poèmes comment en serait-ce autrement : Brecht déjà évoqué, Andreas Gryphius, Henri Michaux, d’autres. Et bien sûr l’auteur lui-même. Il est normal que ce soit par lui que je termine. Et puisque nous approchons de la date, va pour le 27 décembre :
27 décembre
Bribes squames esquilles
Ce que le jour en biseau
Ourdit
Dans le vaguement noir
Les pas crissent en rond
Alain Lance
Coupures de temps
Tarabuste Editeur
220 pages
15 euros
Publié dans Littérature
Marqué avec "Coupures de temps", Alain Lance, Echanges franco-allemand, Institut Français
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Victor Klemperer (LTI) : fanatique, fanatisme
Un mot fait actuellement flores dans les commentaires et analyses, celui de fanatique. Mais quel est le sens de ce mot ? C’est l’occasion de mettre en ligne le troisième et dernier volet consacré à la LTI, la langue du IIIème Reich de Victor Klemperer consacré précisément aux mots fanatique, fanatisme. Ils ont connu des renversements de valeur décrits par le philologue allemand. Connotés négativement par les Lumières avec la nuance de taille due à Jean-Jacques Rousseau, ils ont pénétré tardivement dans la langue allemande où, même dans le discours nazi, ils restent parfois connotés négativement mais dans un contexte dans lequel globalement son emploi est marqué positivement. Il finira par perdre de sa vigueur. Il a donné l’anglicisme fan = admirateur. Traiter quelqu’un de fanatique n’est pas à ses yeux une insulte. Et dire que l’on lutte contre le fanatisme risque de signifier si l’on n’y prend garde donner des coups d’épée dans l’eau. Pour un peu on rajouterait au mot fanatisme l’épithète radical. “La” radicalisation désigne le mal. Radicalisation de qui, de quoi ? On ne le saura pas. Radicalisation, point. Le Larousse définit le mot radicaliser de la façon suivante : «Rendre un groupe, son action, plus intransigeants, plus durs, en particulier en matière politique ou sociale » et donne comme exemple : En déclenchant la grève, le syndicat radicalise ses revendications. Contre quelle radicalisation veut-on se battre ? Une pensée radicale c’est à dire qui prend les choses à leur racine, est-ce là l’ennemi ? J’ai vu apparaître dans un journal le décompte d’un nombre de radicalisés. Nous avons maintenant «le» radicalisé = le méchant formaté voire bientôt pré-formaté. Le mot ne veut rien dire, c’est un néologisme douteux. Sa généralisation a pour fonction d’empêcher de penser. Il fait partie du lexique, de la langue de l‘état d’urgence.
Victor Klemperer (LTI) : Fanatique
(…) Fanatique* et fanatisme * sont des mots qui sont toujours employés dans un sens extrêmement réprobateur par les philosophes des Lumières, et ce, pour une double raison. À l’origine, la racine est dans fanum, le sanctuaire, le temple -, un fanatique est un homme qui se trouve dans le ravissement religieux, dans des états convulsifs et extatiques. Or, les philosophes des Lumières luttent contre tout ce qui conduit au trouble ou à l’élimination de la pensée. Ennemis de l’Église, ils combattent le délire religieux avec un acharnement particulier, le fanatique signifie pour leur rationalisme l’adversaire par excellence. Le type du fanatique* à leurs yeux, c’est Ravaillac qui, par fanatisme religieux, assassine le bon roi Henri IV. Si les adversaires des Lumières retournent l’accusation de fanatisme contre les philosophes, ceux-ci s’en défendent au nom du zèle de la raison menant avec ses armes propres le combat contre les ennemis de la raison. Où que pénètrent les idées des Lumières, un sentiment d’aversion est attaché au concept de fanatique.
Comme tous les autres penseurs des Lumières qui, en tant que philosophes et encyclopédistes, étaient ses «camarades de parti» avant qu’il fit cavalier seul et commençât à les haïr, Rousseau emploie lui aussi «fanatique» dans un sens péjoratif. Dans la Profession de foi du vicaire savoyard, il est dit de l’apparition de Jésus parmi les zélateurs juifs: «Du sein du plus furieux fanatisme la plus haute sagesse se fit entendre (1). » Mais peu après, quand le vicaire, en porte-parole de Jean-Jacques, s’en prend presque plus violemment à l’intolérance des encyclopédistes qu’à celle de l’Église, on peut lire dans une longue note :
«Bayle a très bien prouvé que le fanatisme est plus pernicieux que l’athéisme, et cela est incontestable; mais ce qu’il n’a eu garde de dire, et qui n’est pas moins vrai, c’est que le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l’homme, qui lui fait mépriser la mort, qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus: au lieu que l’irréligion, et en général l’esprit raisonneur et philosophique, attaché à la vie, efféminé, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société (2).»
Ici, le renversement de valeur qui fait du fanatisme une vertu est déjà un fait acquis. Mais, en dépit de la renommée universelle de Rousseau, il est resté sans effet, isolé dans cette note. Dans le romantisme, la glorification non pas du fanatisme mais de la passion sous toutes ses formes et pour toutes les causes relevait de Rousseau. À Paris, près du Louvre, se trouve un ravissant petit monument qui représente un tout jeune tambour qui s’élance. Il bat la générale, il réveille la ferveur avec les roulements de son tambour, il est représentatif de l’enthousiasme de la Révolution française et du siècle qui l’a suivie. Ce n’est qu’en 1932 que la figure caricaturale de ce frère de l’enthousiasme qu’est le fanatisme passa la porte de Brandebourg pour la première fois. Jusque-là, le fanatisme était demeuré, malgré cet éloge discret, une qualité réprouvée, quelque chose qui tenait le milieu entre la maladie et le crime.
En allemand, il n’existe pas de substitut pleinement valable pour ce mot, même quand on le dégage de son emploi cultuel originel. «Faire preuve de zèle» [Eifern] est une expression plus anodine, on se représente un zélateur plutôt comme un prédicateur passionné que comme quelqu’un sur le point de commettre un acte de violence. La «possession» [Besessenheit] désigne davantage un état morbide, et par là excusable ou digne de pitié, qu’une action mettant la collectivité en danger. «Exalté» [Schwärmer] est d’un ton infiniment plus clair. Bien sûr, aux yeux de Lessing qui se bat pour la clarté, l’exaltation est déjà suspecte. « Ne le livre pas en proie, écrit-il dans Nathan, aux exaltés de ton peuple. Mais qu’on se pose une fois la question de savoir si, dans les combinaisons éculées telles que «sombre fanatique» et «aimable exalté», les épithètes sont permutables, si on peut vraiment parler d’un sombre exalté et d’un aimable fanatique. Le sentiment linguistique s’y refuse. Un exalté ne s’entête pas, au contraire, il se détache de la terre ferme, n’en voit pas les conditions réelles et son imagination s’exalte jusqu’à quelque hauteur céleste. Pour le roi Philippe qui est ému, Posa (3) est un «étrange exalté».
Voilà donc le mot «fanatique» en allemand: intraduisible et irremplaçable, et il est toujours, en tant qu’expression d’une valeur, pourvu d’une forte charge négative, il désigne un attribut menaçant et répulsif; même quand, occasionnellement, il nous arrive de lire dans la nécrologie d’un chercheur ou d’un artiste cette formule toute faite selon laquelle il s’agissait d’un fanatique de la science ou de l’art, dans cet éloge cependant résonne toujours l’idée d’un quant à soi hérissé de piquants, d’une inaccessibilité fâcheuse. Jamais, avant le Troisième Reich, il ne serait venu à l’esprit de personne d’employer «fanatique» avec une valeur positive. Et le sens négatif est si indissolublement attache à ce mot que la LTI elle-même l’emploie parfois négativement. Hitler parle avec dédain, dans Mein Kampf, des «fanatiques de l’objectivité»,
Dans un ouvrage qui est paru à l’époque de gloire du Troisième Reich et dont le style n’est qu’une suite ininterrompue de clichés linguistiques nazis, je veux parler de la monographie hymnique de Erich Gritzbach (4) : Hermann Göring, l’Œuvre et l’Homme, il est dit, au sujet du communisme haï, qu’il s’est avéré que cette hérésie pouvait, grâce à l’éducation, changer les hommes en fanatiques. Mais voilà déjà un écart de langage presque comique, une rechute tout à fait impossible dans l’usage d’une époque révolue, comme, il est vrai, cela arrive, dans des cas isolés, même au maître de la LTI ; car c’est bien chez Goebbels qu’il est encore question en décembre 1944 (sans doute sur le modèle du passage de Hitler cité plus haut) du «fanatisme échevelé de quelques Allemands incorrigibles ».
J’appelle cela une rechute comique; car, le national-socialisme étant fondé sur le fanatisme et pratiquant par tous les moyens l’éducation au fanatisme, «fanatique» a été durant toute l’ère du Troisième Reich un adjectif marquant, au superlatif, une reconnaissance officielle, Il signifie une surenchère par rapport aux concepts de témérité, de dévouement et d’opiniâtreté, ou, plus exactement, une énonciation globale qui amalgame glorieusement toutes ces vertus. Toute connotation péjorative, même la plus discrète, a disparu dans l’usage courant que la LTI fait de ce mot. Les jours de cérémonie, lors de l’anniversaire de Hitler par exemple ou le jour anniversaire de la prise du pouvoir, il n’y avait pas un article de journal, pas un message de félicitations, pas un appel à quelque partie de la troupe ou quelque organisation, qui ne comprît un «éloge fanatique» ou une «profession de foi fanatique » et qui ne témoignât d’une «foi fanatique» en la pérennité [ewige Dauer] du Troisième Reich. Et pendant la guerre plus que jamais, et qui plus est quand les défaites furent impossibles à maquiller! Plus la situation s’assombrissait, plus la «foi fanatique dans la victoire finale», dans le Führer, ou la confiance dans le fanatisme du peuple comme dans une vertu fondamentale des Allemands étaient exprimées souvent. Dans la presse quotidienne,le mot fut employé sans plus de limites à la suite de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler: on rencontre ce mot dans pratiquement chacun des innombrables serments de fidélité envers le Führer.
Cette fréquence du mot dans le champ politique allait de pair avec son emploi dans d’autres domaines, chez des nouvellistes et dans la conversation quotidienne. Là où, autrefois, on aurait dit ou écrit par exemple «passionnément», on trouvait à présent «fanatiquement». Ainsi apparut nécessairement un certain relâchement, une espèce d’avilissement du concept. Dans ladite monographie consacrée à Göring, le maréchal du Reich est célébré, entre autres choses, comme un «ami fanatique des animaux», (Toute connotation critique de l’expression est ici totalement annulée, puisque Göring est toujours dépeint comme l’homme le plus avenant et le plus sociable qui soit.)
Reste à savoir si, en perdant de sa vigueur, le mot a aussi perdu de son poison. On pourrait répondre affirmativement en alléguant que le vocable «fanatique» s’est désormais chargé inconsidérément d’un sens nouveau, qu’il est mis à désigner un heureux mélange de bravoure et de dévouement passionné. Mais il n’en est rien. «Langue qui poétise et pense à ta place… » Poison que tu bois sans le savoir et qui fait son effet – on ne le signalera jamais assez.
Mais pour celui qui était, en matière de langue, à la tête du Troisième Reich, et dont le premier souci était l’effet optimal du poison galvanisant, l’usure de ce mot dut apparaître comme un affaiblissement interne. Et, ainsi, Goebbels fut poussé à cette absurdité qui consistait à tenter de renchérir sur ce qui ne pouvait plus faire l’objet d’aucune surenchère. Dans le Reich du 13 novembre 1944, il écrivit que la situation ne pouvait être sauvée que «par un fanatisme sauvage». Comme si la sauvagerie n’était pas l’état nécessaire du fanatique, comme s’il pouvait y avoir un fanatique apprivoisé.
Ce passage marque le déclin du mot.
Quatre mois auparavant, il avait fêté son suprême triomphe d’une certaine façon il avait eu sa part du suprême honneur que le Troisième Reich pouvait accorder, à savoir l’honneur militaire.
C’est une tâche très particulière que de suivre comment la traditionnelle objectivité et presque coquette sobriété de la langue militaire officielle, surtout des bulletins de guerre quotidien , fut progressivement balayée par l’emphase du style de la propagande goebbelsienne. Le 26 juillet 1944, et pour la première fois dan. un communiqué de l’armée, l’adjectif «fanatique» fut employé dans un sens laudatif à propos de régiments allemands : nos «troupes qui combattent fanatiquement» en Normandie. Nulle part la distance infinie qui sépare le point de vue militaire de la Première Guerre mondiale de celui de la Seconde n’est aussi terriblement évidente qu’ici.
Un an après l’effondrement du Troisième Reich, déjà, on peut apporter une preuve particulièrement solide de ce que l’emploi excessif de «fanatique», ce mot clé du nazisme, ne lui a jamais réellement fait perdre de sa nocivité. Car, tandis que des bribes de LTI prennent partout leurs aises dans la langue actuelle, «fanatique» a disparu. De cela on peut conclure avec certitude que, dans la conscience ou dans le subconscient populaire, la vérité – à savoir que l’on a fait passer un état mental trouble pour une vérité suprême -, cette vérité est restée bel et bien vivante pendant ces douze années.
Victor Klemperer LTI , La langue du IIIème Reich Albin Michel
Traduit et annoté par Elisabeth Guillot. Présenté par Sonia Combe et Alain Brossat
Pocket pages 89-94
*en français dans le texte
(1) Emile ou de l’éducation Garnier Flammarion 1966 p 402-403
(2) ibidem p 408-409
(3) Le marquis Rodrigue de Posa, personnage du drame de Schiller Don Carlos (1787) incarnant les 1 valeurs de désintéressement et d’humanité, et dont le roi Philippe Il cherche en vain à gagner la confiance.
(4) Erich Gritzbach, conseiller de Göring.
Liens vers les deux précédents :
Victor Klemperer(LTI) : la toxicité des mots
Victor Klemperer(LTI) : Le premier mot nazi
Publié dans Histoire, Langue allemande
Marqué avec Fanatique, Fanatisme, Fascisme, Jean Jacques Rousseau, Lingua Tertii Imperii, LTI, Radicalisé, Victor Klemperer
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Vers des années de plomb ?
Robin @revueressources propose une #dissémination en décembre sur l’état d’urgence, j’en suis. Qui souhaite participer ? @webasso_auteurs
— Laurent Margantin (@L_Margantin) 29 Novembre 2015
Lorsque, relayée par Laurent Margantin, m’est parvenue la proposition de Robin Huntzinger d’une dissémination exceptionnelle sur l’état d’urgence pour la webassociation des auteurs, je me suis comme d’habitude demandé comment je pourrais y contribuer – car cela allait de soi – tout en restant dans la ligne éditoriale de mon blog consacrée à la culture des pays de langue allemande. Très rapidement s’est imposée la question des années de plomb. Fouinant dans ma bibliothèque, j’ai retrouvé une anthologie de textes consacrée aux écrivains allemands et leur État. Y figurait un texte de Hans Magnus Enzensberger intitulé Notstand, Etat d’urgence précisément. Il m’a semblé qu’au-delà des différences de situation géographique et historique, il y avait quelque actualité dans cette idée de l’état d’urgence comme conséquence de l’état de panique de la classe politique.
Extrait :
«Qui là roule encore des mécaniques est tout mou dans les genoux. C’est que ça a peur !
Et parce qu’ils ont peur enfermés dans leur bunker, parce qu’ils sont eux-même en état d’urgence à propos duquel ils divaguent, ils trafiquent des paragraphes pour pérenniser l’état d’urgence. «En situation de guerre, dit ce Monsieur Hasselmann, ne pourra fonctionner que ce qui fonctionne déjà en temps de paix». Mais comme cela ne veut pas fonctionner en temps de paix, il sera plus simple de supprimer complètement la paix.
Ce travail est déjà en partie accompli. Quatre lois anticonstitutionnelles ont déjà été promulguées depuis plus d’un an. Mais parce qu’ils ont peur, et peur de leur propre peur, le reste doit rester caché dans les tiroirs.
Nous n’avons plus rien à leur dire. Mais nous réclamons le retour de la raison. Nous demandons à ce que la loi sorte du bunker. Nous réclamons que le Parlement en pleine lumière mette fin à ces apparitions fantomatiques. La république que nous avons, nous est encore nécessaire. Qu’on nous demande notre avis et, à fortiori, quand on ne nous le demande pas : nous ne laisserons pas faire que ce pays soit transformé en république bananière.»
En 1966, un rassemblement de syndicalistes, écrivains, d’hommes d’église et d’universitaires allemands avaient à Frankfort, lieu de refondation de la démocratie allemande, proclamé l’«état d’urgence de la démocratie» pour protester dans un baroud d’honneur contre les projets gouvernementaux de législation d’exception. Ils seront accompagnés de dizaines de milliers de manifestants. L’Allemagne fédérale était alors gouvernée par une grande coalition (celle des Tina there is no alternative que l’on nous prépare en France). La loi sur l’état d’urgence sera proclamée en mai 1968. Le mois précédent un attentat avait été perpétré contre le leader de l’opposition extra-parlementaire Rudi Dutschke déclaré ennemi public n°1 par cet infâme torchon qu’est la Bild Zeitung.
A côté notamment du philosophe Ernst Bloch, parla l’écrivain Hans Magnus Enzensberger. Il m’a semblé qu’il pourrait être intéressant aujourd’hui de rappeler cette idée qu’il avait développée : «Ceux qui se sont enfermés dans leur bunker flageolent des guibolles». J’ai choisi l’extrait du texte tel qu’il est paru dans une anthologie établie par les Éditions Klaus Wagenbach en 1979 : Vaterland, Mutersprache/ Deustche Schrifsteller und ihr Staat von 1945 bis heute (Patrie, langue maternelle / Les écrivains allemands et leur état de 1945 à aujourd’hui.
Je venais de rédiger ces lignes, lundi dernier, quand un retweet de Philippe Aigrain m’a mené vers le texte de Nicolas Kayser-Bril : La logique de l’autoritarisme. Il contient le passage suivant :
«La crise la plus similaire à l’hystérie française de 2015 est l‘Automne Allemand de 1977. A cette époque, un groupe contrôlé depuis l’étranger, aux revendications politiques extrémistes, a mené plusieurs opérations terroristes visant à la fois des cibles symboliques et des cibles “civiles”. Malgré une volonté martiale, les autorités de la RFA n’ont à aucun moment décrété l’état d’urgence» (Source)
C’est vrai formellement mais il faudrait préciser qu’on en était pas loin. C’était même tout comme, C’est en ce sens qu’il faut comprendre la notion d’état d’urgence non déclaré (par Helmut Schmidt) c’est à dire état d’urgence de fait utilisée par Wolfgang Kraushaar [en allemand]
Dans les deux cas toutefois, en Allemagne en 1977 comme en France de 2015, a été mise à l’écart la question de la constitutionnalité des mesures prises. La raison d’état prime sur la Constitution.
Samedi dernier, les militants écologistes d’Alsace ont délocalisé leur manifestation en… Allemagne. Quelques jours plus tard, on apprenait qu’une frégate de la marine allemande vient «protéger» le Charles de Gaulle. Un tournant majeur. L’histoire fait de ces contorsions ! Et le plus étonnant est que cela n’étonne même plus.
Allons nous vers des années de plomb ?
Le point d’interrogation n’est-il pas déjà superflu ?
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«Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme» (Castellion)
«Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme»
Sébastien Castellion (1515-1563)
Le commentaire de Stefan Zweig
«Par ces mots à l’emporte-pièce, Castellion a prononcé à jamais la condamnation de toute persécution de la pensée. Qu’elle soit morale, politique ou religieuse, la raison invoquée pour justifier la suppression d’un homme ne dégage pas la responsabilité de celui qui a commis ou ordonné cet acte. Dans un homicide, il y a toujours un coupable, et aucune idée ne saurait faire excuser un crime. On répand des vérités, on ne les impose pas. Une doctrine n’est pas plus vraie, une vérité plus exacte parce qu’elle se démène avec violence ; ce n’est pas une propagande de brutalité qui la fera se développer au-delà de ses limites naturelles. Au contraire, une opinion, une doctrine acquiert moins de crédit en persécutant les hommes dont elle heurte le sentiment. Les convictions sont le résultat de l’expérience personnelle, et ne dépendent que de l’individu auquel elles appartiennent ; on ne les réglemente ni les commande. Qu’une vérité se réclame de Dieu et se prétende sacrée autant qu’elle le voudra : rien n’autorise la destruction en son nom d’une vie humaine»
Stefan Zweig, Conscience contre violence, ou Castellion contre Calvin traduit par Alzir Hella, préface de Hervé Le Tellier, postface de Silvain Reiner, Paris, Le Castor Astral, 1997 et 2004. Page 157. Dans cette édition le titre original est inversé. Le titre allemand figure dans cet ordre : Castellion contre Calvin ou Conscience contre violence
La citation commence à être connue, son auteur et le contexte dans lequel elle a été écrite moins. Il fallait oser l’écrire seul contre tous, au milieu du 16ème siècle. C’est d’ailleurs ce courage, la capacité de penser et d’agir qui fera l’admiration de Zweig. Ajoutons les quelques phrases de Castellion qui suivent pour mieux comprendre le contexte :
«Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne défendaient pas une doctrine ; ils tuaient un être humain ; on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme, mais en se faisant brûler pour elle. »
L’affaire Servet
Genève, Servet. Nous sommes à Genève. La ville est sous la férule du réformateur protestant Jean Calvin qui y avait appelé Sébastien Castellion, né dans l’Ain en 1515. Ils s’étaient connus à Strasbourg. Castellion sera à Genève «régent et maistre d’escolle» et se passionnera pour la pédagogie. Michel Servet, un médecin, astrologue, géographie dans un livre met en cause, en 1531, le dogme de la trinité. Scandale. Catholiques et protestants y voient une menace sur les fondements du christianisme. Servet récidive en 1553. Il est arrêté et jugé par l’Inquisition à Vienne (Isère), parvient à fuir, tente de se réfugier en Italie en passant pas Genève où il est arrêté. A l’issue d’un procès dans lequel Calvin intervient fortement, Servet est condamné à mort et brûlé , le 26 octobre 1553 aux portes de Genève. L’année suivante, Calvin justifie l’exécution et Castellion publie sous pseudonyme Le traité des hérétiques :
«après avoir avoir souvent cherché ce qu’est un hérétique, je n’en trouve autre chose, sinon que nous estimons hérétiques tous ceux qui ne s’accordent pas avec nous dans notre opinion».
Il rédige une riposte à Calvin qui ne paraîtra aux Pays-Bas qu’après sa mort dans le dénuement en 1613. C’est dans cet écrit que se trouve la fameuse citation. Pour Castellion, il n’ y a pas de crime de pensée, je rappelle que nous sommes au 16ème siècle, et chacun doit suivre sa conscience personnelle :
«apprenez de votre conscience à ne pas forcer celle des autres »
Sous sa plume, on trouve pour la première fois en langue française la notion de «forcement[viol] de conscience» A Theodore de Bèze chargé par Calvin de justifier le rôle du magistrat dans la persécution des hérétiques, Castellion plaide pour la séparation de l’église et du magistrat, premier pas vers la laïcité :
« Nul ne peut ou ne doit être contraint à la foi (…) Les armures de notre guerre sont spirituelles. Une guerre spirituelle doit être menée par des armes spirituelles».
Rares sont ceux qui apprenant sa mort lui rendront hommage. ¨Mais parmi ceux-ci, il y aura Michel de Montaigne.
Les informations ci-dessus sont issues d’une conférence prononcée par Vincent Schmidt au Temple Saint Étienne de Mulhouse dans le cadre de l’exposition consacrée à Castellion. Philosophe de formation, V. Schmidt fait partie de l’équipe pastorale de la Cathédrale de Genève.
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13/11 : La dimension franco-allemande des attentats
Dans les terribles attentats qui ont endeuillé Paris, la France et l’Europe, une chose m’avait d’emblée sauté aux yeux : c’est la possible présence d’une dimension franco-allemande. N’ayant trouvé aucune analyse abordant le sujet sous cet angle – mais je n’ai pas tout lu – je me suis attelé à vérifier cette intuition. Cela force à réfléchir un peu plus intensément par soi-même, attitude précieuse et qui le sera de plus en plus par ces «sombres temps». Même si le résultat de ces réflexions n’est pas forcément très demandé. Ajoutons que je n’aime guère avoir le sentiment que c’est précisément cela dont on voudrait nous priver. On aura remarqué que parmi les premières mesures post-attentats figure l’évacuation de ce que l’on appelle peut-être faussement la «société civile» évincée aussi de la COP 21 au profit de sa militarisation.

Télévision : Guerre ! État d’exception !! Boucler les frontières !!
Daech : Parfait ! C’est exactement ce que nous voulions !!
Caricature de Klaus Stuttmann :
Une observation préalable. Il ne faut jamais prendre ses adversaires pour des imbéciles comme j’ai pu le lire ici ou là même quand ils le sont et à fortiori quand ils ne le sont pas. Pour cela, il faut sans doute faire une distinction entre ceux qui sur le terrain se font exploser – et tenter d’en comprendre la mécanique – et ceux qui au lointain tirent les ficelles. Comprendre pourquoi ces derniers disposent d’un vivier cosmopolite de jeunes désespérés et suicidaires aussi considérable dans le monde. J’avais gardé sous le coude un article de la Frankfurter Allgemeine Zeitung que m’avait transmis un ami au printemps dernier. Il s’intitulait «une guerre de l’intelligence», il faut entendre intelligence au sens d’Intelligence service. L’article faisait état d’une série de livres parus en Allemagne sur le phénomène Daesch. Était notamment évoqué celui de Christoph Reuter, Die schwarze Macht (Le pouvoir noir), dans lequel le reporter cherche à montrer que sous le vernis noir du djihadisme se trouve «un noyau politique dur et froid». L’auteur appelle d’ailleurs Daech, le stasi-califat. En clair, ce groupe de froids calculateurs est constitué d’anciens officiers, planificateurs des services secrets de Saddam Hussein. Pour Christoph Reuter qui s’est exprimé dans un entretien à la radio après les tragiques événements, l’attentat de Paris était un acte dosé, calculé et non un furieux point d’orgue. Mais, que l’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. Il ne s’agit pas de tomber dans l’excès inverse et penser que tout a fonctionné de la manière dont cela aurait été minutieusement planifié. Daesch est un objet complexe que ne se laisse pas mettre dans une boite bien carrée. C’est aussi une entreprise colonialiste qui opère par une stratégie du chaos. Sans compter que ce que nous en savons dépend pour une large part des services de renseignements et de ce qu’ils veulent bien en dire. Ce qui fait écrire à Frank Rieger dans un article où il explique qu’Anonymus est «aussi flou» que Daech :
«la confusion est devenu un concept, un moyen de la politique. L’absence de certitude, la fin des consistances narratives sont la nouvelle normalité»
(Source : Anonymus contre Daesch un combat de masques dans l’ombre [allemand])
Daech se veut un Etat mais ne l’est pas. Le meilleur moyen de l’aider à le devenir et de conforter son assise est de lui déclarer la guerre. Cette déclaration, François Hollande l’a en outre faite dans un discours coulé dans le moule de celui de George W Busch dont la guerre a conduit à la situation que nous subissons aujourd’hui.
Revenons en au fil des événements pour voir s’il n’y a pas tout de même des messages dans les attentats quand bien même on les qualifierait d’aveugles.
La monstrueuse séquence a commencé – que l’on me pardonne cette audace – hors de Paris devant le Stade de France à Saint Denis où se disputait un match amical entre la France et l’Allemagne en présence de quelque 80.000 spectateurs, du Chef de l’État et du Ministre allemand des Affaires étrangères. Le match a été joué jusqu’au coup de sifflet final mais on en a oublié le score (2-0 pour la France) parce qu’à l’extérieur commençait pendant ce temps un carnage. Le match avait débuté à 21 heures, une première explosion a eu lieu à 21h20, une seconde à 21h 30, une troisième à 21h 53. Des «kamikazes» se sont fait exploser aux abords quasi déserts du stade entraînant la mort d’un passant. Avaient-ils l’intention d’y pénétrer sans le pouvoir ? Il semble -hypothèse- que le temps, la coordination horaire ait été privilégiée par rapport au positionnement des acteurs.
Voici le témoignage des journalistes sportifs de la Frankfurter Allgemeine Zeitung :
«Il y a eu ce bruit. Cette détonation vibrante et sourde qui réveille des prémonitions et des souvenirs. Il y a 11 ans, au lendemain d’un match entre le Real de Madrid et le Bayern de Munich, j’avais été en contact avec un attentat. Dans la gare Atocha de Madrid des terroristes avaient fait sauter un train et causé la mort de près de 200 personnes. Et ce bruit y fait penser. Cela ne se peut. Beaucoup de spectateurs regardent dans la direction d’où vient l’explosion. Oliver Bierhoff, le manager de l’équipe nationale allemande évoquera plus tard ce que beaucoup avaient soupçonné sans vouloir l’admettre : ce n’était pas un pétard.
Pour un moment, tout est silencieux dans le Stade de France. Rien ne se produit, le match continue, tout se passe comme d’habitude. Probablement tout de même un pétard. Lorsque le bruit d’un second coup moins fort que le premier pénètre dans le stade, il fait plutôt un effet tranquillisant. Deux explosions, cela ne peut être que des pétards, quoi d’autre ? Une troisième détonation dans la seconde mi-temps n’est plus perçue que par une partie des spectateurs. Mais la réalité pénètre peu à peu dans le stade. Au-dessus de l’arène croisent des hélicoptères, sur les téléphones portables se diffusent des informations des médias français sur les attentats, les premiers morts. Les entrées du stade sont fermées. Personne ne peut sortir. Seule entre la peur.
Intérieur et extérieur.
Dans le stade, c’est du moins le sentiment que nous avons, tous sont en sécurité. Il en va tout autrement au Bataclan où l’intérieur n’offre plus d’issue vers l’extérieur pour près d’une centaine de personnes ».
(Source en allemand)
Les téléspectateurs allemands devant leurs écrans ont aussi ressenti quelque chose de semblable qui ne sera sans doute pas sans effet sur la perception qu’ils auront de l’annulation quelques jours plus tard du match Allemagne/Pays-Bas qui devait avoir lieu à Hanovre. Il donnera l’impression d’un «sombre écho de Paris» comme le note dans le Spiegel Sascha Lobo qui parle d’une sorte d’attentat psychologique qui fait que l’on se sent touché sans qu’il ne se soit rien passé. L’impression a été accentuée par le refus du gouvernement de fournir des précisions sur les motifs de l’annulation. La déclaration du Ministre de l’Intérieur, pleine de sous-entendus – si je disais ce que je sais cela nuirait à la sécurité du pays – n’a fait qu’attiser les peurs. A l’évidence, il aurait mieux fait de se taire. Les informations sur un risque potentiel seraient venues des services de renseignements français. Rien n’a été trouvé. Aucune arrestation n’a eu lieu.
Dans une étrange envolée lyrique qui se conclut par un appel au renforcement de la coopération militaire entre la France et l’Allemagne, le correspondant à Paris de l’hebdomadaire die Zeit écrit :
«(…). Cela commence à la 16ème minute de jeu. Le latéral Patrice Evra a la balle au pied. Il lève un moment la tête, entend une forte explosion. Pour un instant son attention est détournée, puis il passe en arrière, le jeu continue. C’est ce moment que des millions d’allemands et de français retiendront. Car l’attaque terroriste que cette explosion signale s’adresse à tous dans le stade, Hollande comme Steinmeier, Evra comme Schweinsteiger, allemands et français. Soudain, le football a perdu son importance. Aucun media français ne donnera cette nuit-là le sore du match. Parce que cette nuit-là, la France et l’Allemagne ont perdu ensemble».
(Source : Deutsche und Franzosen müssen Europa gemeinsam verteidigen [Allemands et Français doivent défendre l’Europe ensemble])
Dans le communiqué de revendication de la tuerie, Daech affirme avoir choisi «minutieusement» ses cibles à l’avance et cite le Stade de France où se déroulait le match «des deux pays croisés, la France et l’Allemagne».
Le porte-parole des questions militaires au Bundestag a déclaré :
«Il ne suffit pas de s’enrouler dans un drapeau tricolore. L’attaque contre le match de foot entre la France et l’Allemagne nous visait aussi. Ce n’est pas un hasard».
Mais encore ?
Avant de voir ce qu’il en est de la participation directe comparée de la France et de l’Allemagne à ce conflit, il nous faut nous arrêter sur un dernier indice, le coup du faux-passeport syrien qui pointe vers les voies de transit des réfugiés qui au grand dam de Daech fuient leur pays pas seulement à cause de Daech mais bien plus encore de Bachar el-Assad. Il s’agit ici d’enfoncer un coin entre l’Europe et les réfugiés. Sur cette question, l’Allemagne est en première ligne alors que la France de son côté l’est sur le terrain militaire.
Même s’il reste encore de la retenue dans les interventions militaires de l’Allemagne, elles ne sont plus non plus absentes. C’est le cas en Afghanistan et au Mali où il est question qu’elle renforce sa présence. L’Allemagne a fourni 1800 tonnes d’armement et d’équipement aux Peshmergas. Cela n’a pas empêché Mme Merkel d’être allée apporter son soutien à la réélection d’Erdogan et d’interdire le PKK.
François Hollande a invoqué l’article 42-7 du Traité de l’Union européenne. Il est ainsi libellé :
«Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres.
Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre.»
S’il avait fait appel directement à la clause de solidarité de l’Otan, le Chef de l’Etat n’aurait pas pu opérer son virage sur la Russie ni aller en direction d’une militarisation de l’Europe. La Frankfurter Rundschau rappelle que Jean-Claude Junker avait au printemps dernier déjà réclamé de franchir un pas supplémentaire vers une Europe de la défense. Les choses étaient-elles déjà dans les tiroirs attendant leur heure ?
Mais en Allemagne la question de la guerre reste encore compliquée à évoquer. Angela Merkel a soigneusement évité le mot jusqu’à présent. Mais les appels à de la virilité ne manquent pas après la rébellion qu’elle vient de connaître sur la question des réfugiés. Le président de la République, Joachim Gauck, toujours aux avant-postes quand il s’agit de jouer les matamores au nom de la bonne conscience de l’ancien dissident qu’il n’a jamais été a qualifié les attentats de «nouvelle forme de guerre». Je ne sais pas s’il a lu les contorsions rhétoriques de Pascal Ory affirmant que «le terrorisme est la guerre de notre temps» répétant ce que l’on pouvait en dire il y a trente ans pour finir par affirmer que «le but du terrorisme n’est pas de tuer»(sic).
Qu’est-ce d’autre la guerre si ce n’est pas le «consentement meurtrier» ?
«Ça veut dire quoi quand on dit maintenant qu’on sera impitoyable ? se demande Georg Diez, dans le Spiegel reprenant l’expression de François Hollande. Qu’a fait la France, qu’ont fait les États Unis, qu’a fait l’Allemagne jusqu’à aujourd’hui en Syrie et en Irak ? Et qu’ont-ils l’intention de faire demain ? Des troupes au sol ? Casus Foederis ? (Clause d’alliance ?) Quand on parle de guerre, il faut dire ce que l’on veut.» (Source en allemand)
Dire où et comment on veut la mener. A Saint Denis contre l’ennemi intérieur ?
Les premières réactions à la demande française sont restées prudentes. Selon les informations du Spiegel, le gouvernement allemand n’exclut pas une intervention de la Bundeswehr en Syrie à la condition d’une résolution de l’ONU. Cette intervention pourrait consister dans le contrôle d’un cessez le feu. Mais pour la Tageszeitung, l’objectif – qui était déjà en gestation avant les attentats de Paris- est d’abord de franchir un pas dans la coopération militaire européenne :
« Il s’agit dans un premier temps pour Paris de créer un précédent pour une future politique européenne de la défense ». (Source en allemand )
Difficile de croire que cela ait été fait sans concertation avec Mme Merkel. Nous ne savons pas encore ce que pense M. Schäuble de l’affirmation du primat de la sécurité sur le pacte de stabilité.
Daech a réussi à semer le poison de la guerre dans les sociétés européennes. La réaction du gouvernement, ouverture à l’extrême droite, état d’urgence permanent, fermeture des frontières, suspension des libertés contribue à franchir un pas de plus vers l’orbanisation (de Orban,Viktor) de l’Europe.
J’ai glané sur Twitter cette affirmation d’un cofondateur du centre d’information contre le salafisme de Hesse
Il affirme :
«Ce sont des jeunes gens qui sont pour un moment dans une crise d’identité et la mouvance essaye de l’exploiter».
Il n’existe pas d’identité donnée – d’où, par qui ?- à la jeunesse qui serait soudain entrée, momentanément, – par quoi ? – en crise, la crise qu’elle vit est celle de l’absence d’avenir, celle d’un no future. Comme le dit Bernard Stiegler dans un entretien au journal Le Monde :
«Ce n’est qu’en projetant un véritable avenir qu’on pourra combattre Daech »
L’hiver arrive. Et le temps des Restos du cœur. Quelqu’un dit : c’est notre mode de vie qui est attaqué et qu’il faut défendre…
G. Büchner en France (1845-1947)
Le livre de Thomas Lange dont le titre se traduit par Georg Büchner en France / Du Hamlet français à l’instrument d’une «collaboration réussie» nous propose une petite histoire des débuts de la réception de Georg Büchner en France. Il ne traite pas de la présence physique du poète allemand sur le territoire français (à Strasbourg et dans les Vosges) mais de la manière dont on y prend connaissance de son œuvre entre 1845 et 1947. Il le fait en mettant l’accent sur le nouveau média de l’époque : la radio. J’ai déjà évoqué les travaux de Thomas Lange, qui fut en charge du service éducatif aux Archives Départementales de Darmstadt, à propos de ses recherches sur Alexander Büchner le petit frère de Georg Büchner naturalisé français en 1870.
L’image de la couverture du livre est celle de la statue de Danton à Paris qui ne fut érigée qu’en 1891. Deux ans auparavant, paraissait la traduction en français de la Mort de Danton de Georg Büchner. Il y a quelque relation entre la découverte de Büchner qui, au début sera d’abord le frère du philosophe de Force et matière, Ludwig Büchner, et la reconnaissance tardive de Danton dans la société française où il finit par être placé dans les discours d’alors à l’égal de Cromwell, Louis XI ou Richelieu.
Depuis le père médecin dans les armées de Napoléon, la mère dont la famille provient des environs de Strasbourg jusqu’à la Révolution française comme objet de réflexion (Büchner en réclamant la continuation sociale) et matériau de théâtre en passant par la terre d’amour et d’exil, lieu de formation universitaire et politique, Georg Büchner est impensable sans la France. Il fut aussi traducteur de Victor Hugo. Mort très jeune on le sait, en 1837, son œuvre connaîtra d’abord un destin discret en Allemagne-même où il faudra attendre les premières mises en scène de Woyzeck en 1913 pour qu’on y prenne la mesure de son importance. En France, la première évocation de cet «auteur éloquent d’un beau drame sur la mort de Danton» a été décelée par Thomas Lange dans la Revue des deux mondes, en 1845. En 1868, l’auteur, journaliste,critique et futur administrateur général de la Comédie française, Jules Clarétie, voulant dans un essai s’inquiétant de l’avancée prise par l’Allemagne dans les domaines intellectuels prévenir le ministre de l’Education d’une menace d’un «Sadowa de l’ignorance», fait dire à un allemand fictif : «Qui de vous connaît La Mort de Danton de Georges Büchner jouée chez nous [i.e. en Allemagne] avec grand succès ». Le «drame en trois actes et en prose» suivi de Woyzeck, Lenz, le Messager hessois, Lettres…traduit de l’allemand par Auguste Dietrich, préface de Jules Clarétie de l’Académie française paraît aux éditions Louis Westhauser en 1889.
Paul Ginisty, qui deviendra directeur de l’Odéon en 1896, parle du «travestissement poétique» de la Révolution et interprète le personnage de Danton comme une sorte de Hamlet. Pourtant la mise en scène de la pièce, annoncée à l’Odéon pour la saison 1896/1897, puis à nouveau pour la saison suivante dans le cadre des «matinées conférence du jeudi», n’aura pas lieu. Peur d’un échec ? Peur de la censure ? Thomas Lange ne tranche pas dans ce qui ne serait que spéculation. Il signale simplement que c’est l’époque où Shakespeare en France portait atteinte aux conventions morales et que, en 1890, La grève de Louise Michel, Germinal de Zola, Thermidor de Victorien Sardou avaient été interdits.
Il faudra attendre 1948 et Jean Vilar pour voir la Mort de Danton sur une scène française. Ce sera dans la Cour d’honneur du Palais des papes en Avignon et cela fera grincer des dents.
«En 1900, écrit Thomas Lange, Georg Büchner était un nom que les personnes instruites en France connaissaient. L’intérêt dans les décennies suivantes s’est déplacé vers Woyzeck et Leonce et Lena»
Notons au passage que Büchner est catalogué dans les Romantiques allemands notamment dans le numéro des Cahiers du Sud qui leur est consacré en 1937.
Une traduction de Woyzeck paraît en 1931 dans la revue «Commerce». Jean Paulhan attire là-dessus l’attention d’Antonin Artaud : «Lisez Woyzeck. Je pense que, réinventé par vous, ce serait une chose sublime ». Artaud demande à Louis Jouvet de pouvoir mettre en scène la pièce parlant à son propos de «coups de pioches dans le silex de l’inconscient». Encore une fois rien ne se fera. Là encore, il faudra attendre 1946 pour voir Woyzeck sur une scène française.
Un nouveau media monte en puissance dans le champ culturel. Il n’a pas la pudeur des théâtres. La première trace de Büchner à la radio en français, on la trouve à Radio Strasbourg, à l’époque une radio bilingue. Elle diffusera, le 31 octobre 1938 Le soldat François d’après Woyzeck. L’année suivante, ce sera au tour de Radio Tour Eiffel avec une autre adaptation intitulée cette fois Le soldat François Woyzeck, «prononcer woitchék» précise le manuscrit reproduit dans le livre. En 1939 toujours, sous le titre La mort est un rêve / Comédie romantique, la radio diffuse également une adaptation de Léonce et Lena. On lui donnera, écrit T. Lange, un côté opérette d’Offenbach. Le dimanche 20 août 1939, à deux semaines du déclenchement par Hitler de la Seconde guerre mondiale, Radio Paris diffuse La mort de Danton dans une version réduite à 45 minutes. L’adaptation est de Richard Thieberger, un exilé autrichien spécialiste des pièces radiophoniques et radiophonées. On remarque dans la page reproduite du manuscrit les indications de «mise en espace» radiophonique : «La conversation entre Danton et Julie tout près du micro, les autres voix un peu plus loin».
Sous le Troisième Reich, il n’y a guère de place pour Büchner à l’exception notable de Radio Paris aux mains des occupants nazis. La radio est au cœur du dispositif de propagande sous l’occupation, il s’agissait de démontrer la suprématie allemande «non seulement dans la musique et les sciences mais également dans la poésie, la littérature, les arts ».
Le dimanche 23 février 1941, était diffusée Léonce et Lena, comédie en dix tableaux de Georges Büchner avec François Périer dans le rôle de Léonce. «Le principe d’un art de divertissement et d’un divertissement d’art» avait été posé et l’on s’était mis à diffuser une série des plus belles comédies du monde dans laquelle Büchner succédait à Molière, Shakespeare, Gogol, Lessing. Le personnage d’un annonceur avait été introduit dans la pièce. Ses interventions, souligne T. Lange, déplacent l’accent vers le romantisme au détriment du satirique. Le 4 mai 1941, Radio Paris diffuse après La damnation de Faust de Berlioz, Mort de Danton. L’auteur n’en a pas retrouvé le manuscrit mais des indications données dans le registre musical.
Les éléments réunis montrent clairement l’instrumentalisation dont l’œuvre de Büchner a fait l’objet au service d’une propagande de collaboration. Les autorités allemandes voulaient faire croire que le nazisme est une révolution de destruction du capitalisme comme l’affirmait le Dr Friedrich pseudonyme du commentateur attitré de la radio. Mais cela n’allait pas durer. Goebbels, le grand ordonnateur de la propagande nazie allait bientôt mettre fin à cette «invention littéraire que le peuple n’approuve pas», c’est ainsi qu’il qualifiait les pièces radiophoniques.
Et puis on finit pas savoir que Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand. Une autre radio prépare son heure de gloire : Radio Londres.
L’histoire de Büchner à la radio s’achève avec une dernière indication : la diffusion le 28 décembre 1944 par Radio Toulouse, de La mort de Danton, dans un autre contexte, celui de la Libération.
L’après-guerre verra la revanche du théâtre grâce à Jean Vilar présentant La mort de Danton dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes en Avignon en 1948, ce qui en choquera plus d’un. On peut lire cela dans un article de Libération cité par l’auteur et que l’on peut trouver en ligne)
«Dans une sorte de retournement ironique des voies de réception, la force française d’occupation a ré-importé Büchner en Allemagne» aussi bien dans l’enseignement qu’à la radio qu’elle contrôlait, conclut Thomas Lange dont j’ai résumé à grands traits un travail qui se caractérise par une grande minutie et une grande attention apportée aux détails tout en précisant à chaque fois pour le lecteur allemand les caractéristiques du contexte français dans les différentes époques considérées.
Thomas Lange :
Georg Büchner in Frankreich
Vom « französischen Hamlet » zum Instrument «gelungener Collaboration»
Wahrnehmung und Wirkung 1845-1947
Jonas Verlag Marburg 2015
118 pages
Publié dans Histoire, Littérature
Marqué avec Danton, Georg Büchner, Radio Paris, Radio Strasbourg, Réception de Büchner en France, Thomas Lange, Woyzeck
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Aux débuts d’un « trafic » de livres
Un pasteur germanophone invente une méthode d’apprentissage du français pour des paroissiens parlant un patois welche, et conçoit la première bibliothèque publique de prêt. Cela se passe au Ban de la Roche, un territoire isolé en Alsace, au milieu du 18ème siècle. Le pasteur se nomme Jean Georges Stuber.
L’ armoire bibliothèque photographiée ci-dessus au Musée Oberlin se trouvait dans le presbytère du pasteur Jean Frédéic Oberlin (1740- 1823) à Waldersbach dans le département du Bas-Rhin. Pour éviter toute confusion, l’ayant moi-même frôlée, je précise d’emblée qu’elle ne correspond pas tout à fait à l’histoire que je souhaite raconter et qui est celle l’invention de la (ou de l’une des) première(s) bibliothèque(s) publique(s) de prêt en France et en Europe, au monde. Mais elle symbolise une innovation à la fois pastorale, pédagogique et culturelle. Cette invention est due au prédécesseur du pasteur Oberlin, un autre pasteur du nom de Jean Georges Stuber (1722-1797). Oberlin a reçu cela en héritage et a poursuivi son œuvre. Ce dernier, nous le connaissons déjà parce qu’il fut celui qui accueillit, à Waldersbach en 1777, l’auteur dramatique allemand Jakob Michael Reinhold Lenz, séjour dont l’échec servit de matériau à Georg Büchner pour composer sa nouvelle Lenz.
Jean George Stuber
Commençons par la fin en signalant d’emblée la réussite de son travail avant de voir comment il est parvenu à faire qu’«une contrée qui ne lisait pas, il y a cinquante ans [soit] aujourd’hui en état de lire les décrets de la Convention que le citoyen ministre s’applique à leur expliquer». Le ministre en question est bien sûr celui du culte. Le philologue Jérémie Jacques Oberlin (1735-1806) écrit en 1793, dans une lettre à son ami l’abbé Henri Grégoire (1750-1831), alors député à la Convention Nationale :
«Le digne Cit. Stouber, que tu connais, avait commencé à humaniser cette paroisse […]. Les maisons d’école bâties, les places de régents [instituteurs] rendues stables […] ont produit une nouvelle génération instruite, sachant bien lire, bien écrire et chiffrer, ayant quelques connaissances en herbes utiles et salutaires du sol qu’elle habite. Une petite bibliothèque formée dans la maison ci-devant curiale de livres instructifs et amusants occupe depuis le loisir de ces montagnards dans les jours consacrés au repos, et a beaucoup contribué à épurer les mœurs dans ces villages»
(Cité par Loïc Chalmel dans sa biographie Loïc Chalmel : Jean Georges Stuber (1722-1797) Pédagogie pastorale Éditions Peter Lang page 118)
Rien n’était évident au départ. Nous sommes au Ban de la Roche, un territoire assez singulier en Alsace, situé à 50 km au Sud-Ouest de Strasbourg, dans la direction de Saint-Dié dans les Vosges. Il a d’abord fait partie du Saint Empire romain germanique avant d’être annexé par Louis XV. On y parlait le welche, c’est à dire un patois roman, une forme de langue d’oïl dans un environnement germanophone. Le territoire était peuplé de paroissiens de confession réformée, parce que leur seigneur l’était, dans l’ensemble très pauvres et relativement isolés du monde. On y faisait venir des pasteurs luthériens francophones de Montbéliard qui appartenait au Würtemberg. Mais une ordonnance de Louis XIV, après l’annexion de l’Alsace (rattachée à la France par le Traité de Westphalie en 1648), avait interdit cette pratique. Il fallut donc trouver à Strasbourg des volontaires parmi les pasteurs bilingues. Jean Georges Stuber né à Strasbourg en 1722, germanophone donc, mais qui avait appris le français à Montbéliard, en fut. Il effectuera un premier séjour au Ban de la Roche de 1750 à 1754 puis un second de 1760 à 1767. Le traité de Westphalie avait préservé en Alsace une certaine liberté confessionnelle. Juridiquement la Révocation de l’Édit de Nantes était antérieure au Traité de Westphalie. Le Ban de la Roche était ainsi aussi une terre de refuge et d’immigration.
La tradition luthérienne place la lecture de la Bible en langage vernaculaire au centre de la liturgie. C’est par la lecture de la Bible, la discussion des sermons dominicaux que se développe une vie spirituelle. Mais encore faut-il savoir lire c’est à dire déchiffrer les signes écrits d’une langue, les lettres et leur assemblage et savoir comment est organisé un livre. Non seulement les habitants du Ban de la Roche ne le savent pas mais à l’oral ils parlent un patois qui n’est ni du français ni de l’allemand. Stuber choisit de leur apprendre à lire et parler le français. Dernière précision enfin : notre pasteur n’est pas de tradition luthérienne orthodoxe, il s’inscrit dans le courant morave piétiste de la première génération, celle des pia desideria, des «pieux désirs» de Philippe Jacob Spener dont je retiendrai surtout ici, étant incompétent dans les subtilités théologiques, la sensibilité sociale et l’engagement militant. J’aime bien aussi l’idée de Spener que si la perfection n’est pas de ce monde, nous sommes tout de même tenu d’en atteindre un certain degré.
Il lui faudra tout inventer, créer les outils dont il aura besoin. Bien sûr, il commence d’abord par faire construire une église avant même son propre logement puis se soucie de mettre comme il le dira lui-même « les écoles sur un meilleur pied » en s’efforçant de trouver aux maîtres d’écoles une situation plus stable et des bâtiments. Cela passe par une contractualisation. Il développe la pratique du chant choral qui a pour fonction d’ouvrir l’esprit au message évangélique et à ce propos, il s’emploie à simplifier le solfège et élabore un recueil de cantiques.
«Solfège linguistique»
L’intuition géniale du Pasteur Stuber est d’appliquer le principe du solfège à l’apprentissage de la langue fabricant une sorte de «solfège linguistique» qu’il appellera «l’alphabet méthodique». Grâce à cela, il résout la difficulté provenant de l’écart entre la prononciation et l’orthographe dans la langue française. Écoutons ce qu’en dit un spécialiste des sciences de l’éducation qui a beaucoup fait pour faire connaître aussi bien le pasteur Stuber que le pasteur Oberlin, les pédagogues révolutionnaires., Loïc Calmel :
«À l’image de l’apprenti musicien explorateur de l’univers inconnu des notes, système arbitraire qui ne renvoie dans un premier temps à aucun son particulier, l’enfant dialectophone est placé au contact d’un code graphique qui ne représente rien pour lui. L’association de ces graphèmes à des phonèmes, qui eux-mêmes viennent se combiner les uns aux autres pour former une gamme, constitue la première étape de la démarche «musicale» d’apprentissage de la langue. Le terme de déchiffrage, dans son acception usuelle rapportée au lexique musical, paraît plus approprié que celui d’alphabétisation, pour définir le processus alors engagé. La combinaison des phonèmes (notes élémentaires) permet ensuite à l’enfant une initiation progressive à l’influence des altérations, des nuances, du rythme, etc. sur la locution. Il s’agit là d’un travail technique de second niveau qui contribue grandement à la construction d’un référentiel, véritable dictionnaire «graphie-phonique», nécessaire au développement simultané de l’acuité visuelle, de la sensibilité auditive, et de la conscience phonique associées à l’expression en français. Les modalités d’acquisition de ces règles morpho-syntaxiques élémentaires mises au point par le pasteur permettent aux élèves de «chanter» une langue inconnue. Elles revêtent un caractère ludique qui renforce leur motivation ; la nouvelle définition de la place du maître suggère l’émergence d’élèves acteurs de leur apprentissage. L’activité de l’élève durant cette période de propédeutique à la lecture courante ne se situe ni dans une logique réellement déductive, le but n’étant pas de construire du sens à partir d’éléments élémentaires, ni dans une logique inductive, car les progrès réalisés ne sont pas conditionnés par les acquis antérieurs aux apprentissages premiers. On ne construit pas sa pensée sans référentiel solide et Stuber refuse l’aventure sur des terres inconnues sans construction préalable de repères sûrs permettant de goûter pleinement à la découverte, à l’aventure».
Loïc Chalmel : J.G. Stuber (1722-1797) : Pédagogie pastorale in Penser l’éducation – n°5 Septembre 1998 accessible en ligne.
Le solfège permet d’accéder à la musique et l’alphabet à la langue. Une leçon à retenir pour aujourd’hui. On ne se rend sans doute pas compte de ce que l’on perd avec la disparition de l’enseignement musical en capacité à accéder à une langue. Savoir déchiffrer une langue n’est qu’un point de départ. Il faut acquérir encore d’autres compétences techniques pour pouvoir se repérer dans un livre et passer à l’étape suivante ; la lecture de la Bible
«Ils achetèrent beaucoup de Bibles de poche que je me procurais et on les leur donna, il va sans dire, au-dessous du prix [ … ] Auparavant, tout ce qu’ils savaient de la Bible c’est que c’était un gros livre dans lequel devait se trouver la parole de Dieu. (Ils mirent un certain temps à admettre que les Bibles de poche étaient aussi de vraies Bibles … ) Ils n’avaient en outre qu’une vague idée de ce qu’étaient l’Ancien et le Nouveau Testament, un livre, un chapitre, un verset (pendant de nombreuses années, ils ne surent pas quels textes je commentais dans mes sermons). Si l’on montrait à l’un d’entre eux le haut d’un chapitre en lui demandant de trouver la fin du précédent, il ne fallait pas s’étonner qu’il en soit incapable, car jusqu’à présent on ne leur avait pas enseigné à l’école ce qu’était une feuille, une page, des lignes, des syllabes ainsi de suite. Ils appelaient indifféremment toutes les lettres «les mots», «die Wörter» etc. [ … ] Au bout de vingt années de bons et loyaux services, le meilleur et le plus ancien parmi mes maîtres d’école n’a jamais possédé lui-même de Bible (Stuber, cité par Loïc Chalmel O.c. page 112)
«Trafic»
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(Change / Seghers/ Laffont) L’image est extraite du film. On en reparle l’année prochaine