„Gesetzt, wir hätten als Menschen produziert: Jeder von uns hätte in seiner Produktion sich selbst und den andren doppelt bejaht. Ich hätte 1. in meiner Produktion meine Individualität, ihre Eigentümlichkeit vergegenständlicht und daher sowohl während der Tätigkeit eine individuelle Lebensäußerung genossen, als im Anschauen des Gegenstandes die [über]individuelle Freude, meine Persönlichkeit als gegenständliche, sinnlich anschaubare und darum über alle Zweifel erhabene Macht zu wissen. 2. In deinem Genuß oder deinem Gebrauch meines Produkts hätte ich unmittelbar den Genuß, sowohl des Bewußtseins, in meiner Arbeit ein menschliches Bedürfnis befriedigt, also das menschliche Wesen vergegenständlicht und daher dem Bedürfnis eines andren menschlichen Wesens seinen entsprechenden Gegenstand verschafft zu haben, 3. für dich der Mittler zwischen dir und der Gattung gewesen zu sein, also von dir selbst als eine Ergänzung deines eignen Wesens und als ein notwendiger Teil deiner selbst gewußt und empfunden zu werden, also sowohl in deinem Denken wie in deiner Liebe mich bestätigt zu wissen, 4. in meiner individuellen Lebensäußerung unmittelbar deine Lebensäußerung geschaffen zu haben, also in meiner individuellen Tätigkeit unmittelbar mein wahres Wesen, mein menschliches, mein Gemeinwesen bestätigt und verwirklicht zu haben. Unsere Produktionen wären ebenso viele Spiegel, woraus unser Wesen sich entgegenleuchtete.“
(Karl Marx: Auszüge aus James Mills Buch ‘Elémens d’économie politique’, in: Institut für Geschichte der Arbeiterbewegung (Hg.): Marx – Engels – Werke, Berlin 1990, Band 40, S. 462f.)
« Supposons que nous produisions comme des êtres humains : chacun de nous s’affirmerait doublement dans sa production, à l’égard de soi-même et de l’autre. 1. Dans ma production, je réaliserais mon individualité, ma particularité ; j’éprouverais en travaillant, la jouissance d’une manifestation individuelle de ma vie, et dans la contemplation de l’objet, j’aurais la joie individuelle de reconnaître ma personnalité comme une puissance réelle, concrètement saisissable et échappant à tout doute. 2. Dans ta jouissance ou ton emploi de mon produit, j’aurais la joie spirituelle de satisfaire par mon travail un besoin humain de réaliser la nature humaine et de fournir au besoin d’un autre l’objet de sa nécessité. 3. J’aurais conscience de servir de médiateur entre toi et le genre humain, d’être reconnu et ressenti par toi comme un complément à ton propre être et comme une partie nécessaire de toi-même, d’être accepté dans ton esprit comme dans ton amour. 4. J’aurais dans mes manifestations individuelles, la joie de créer la manifestation de ta vie, c’est-à-dire de réaliser et d’affirmer dans mon activité individuelle ma vraie nature, ma sociabilité humaine. Nos productions seraient autant de miroirs où nos êtres rayonneraient l’un vers l’autre »
(Karl MARX, « Notes de lecture », in Economie et philosophie, Oeuvres, économie, Gallimard, Coll. La Pléiade, tome II, 1979, p 22. Traduction par J. Malaquais et C. Orsoni)
Je souligne bien sûr ce supposons par lequel Marx pose, comme dans un dialogue, cette hypothèse d’un travail qui ferait oeuvre, qui pourrait être proprement humain et libéré de la condition du salariat, qu’il décrit en négatif. Il imagine un système de production qui permettait au producteur de se reconnaître dans son produit et de s’individuer en s’inscrivant dans une relation à l’autre. Par là, il nous dit par antiphrase et en procédant à un renversement précisément que le système de production existant ne permet pas cela. Ses conséquences s’expriment dans les burn out. On mesure ainsi l’écart qui n’a depuis cessé de se creuser entre travail et emploi salarié. Marx ne nous dit pas ici pourquoi. Il abordera ailleurs la question du développement machinique qui fera l’objet de la prochaine chronique.
Beethoven en colère pour un sou perdu en fait un caprice
David Kadouch, révélation soliste instrumental aux victoires de la musique en 2010, joue, à Radio France, le Rondo Capriccio op.129 composé par Ludwig van Beethoven vers 1795 et complété par Anton Diabelli en 1828 pour une édition posthume.
En sus du plaisir musical dû à ce cher Ludwig van, comme on dit dans Orange mécanique de Stanley Kubrick, et à son talentueux interprète, ce qui m’a intrigué est le titre complet du rondo de Beethoven : « Wuth über den verlornen Groschen ausgetobt in einer Kaprize » (Colère à cause du sou perdu déchargée dans un Caprice). C’est ainsi que l’œuvre a été popularisée et on peut imaginer que cela soit tiré de quelque vécu. Un sou est un sou surtout quand on est sans, ce qui fut un temps le cas du célèbre compositeur. Le titre n’est pas de Beethoven. Peu importe. On peut se raconter une histoire. Celle que j’imagine conduit à ce qui manque à notre époque propice aux colères, à savoir le déchargement de la pulsion de colère dans un Caprice. Léger est-il précisé, Autrement dit sa transformation en un acte créatif, dans une forme – celle du capriccio – libre et enjouée, quasiment son contraire. Le Rondo Capriccio passe pour une expression de l’humour de Beethoven voire du rire en musique.
Transformer une énergie pulsionnelle en énergie créatrice n’est évidemment pas simple. On peut en voir une preuve dans le fait que Beethoven ait laissé son œuvre inachevée. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas tenter de le faire. Je m’y essaye.